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QUESTIONS ET RÉPONSES

Réunion des Organisateurs nationaux, tenue à Ommen en juillet 1928.

QUESTION: Vous dites que les organisations n'ont de valeur réelle que si elles ne prétendent pas être les récipients de la Vérité. Si l'ordre de l'Étoile doit demeurer un pont entre la Vérité et le monde, jusqu'à quel point devrait-il se séparer des mouvements qui, selon beaucoup de personnes, prétendent contenir la Vérité? Considérez, s'il vous plaît, les conséquences pratiques.

KRISHNAJI: L'on n'a jamais besoin de se séparer en fait de rien; par son attitude, on peut accomplir toute chose. Si vous vous sépariez de ces organisations — et je ne sais pas à quelles organisations il est fait allusion dans cette question — cette séparation impliquerait que vous craignez de vous laisser retenir dans ces organisations. Parce que vous craignez contracter des maladies, vous fuyez la contagion; mais si vous êtes propres, en bonne santé et forts, aucune maladie ne vous attaquera.

Je ne désire pas que l'Ordre devienne un tabernacle pour la Vérité. Nous devons donc avoir soin de garder pure l'organisation — je veux dire qu'elle doit servir de pont.

QUESTION: Dans notre désir de ne pas faire de compromis avec la Vérité, nous pouvons sentir que c'est notre devoir de nous séparer d'organisations spirituelles et religieuses. En agissant ainsi, un Organisateur national ne risque-t-il pas de faire naître dans l'Ordre une autre forme de croyance ou d'incroyance?

KRISHNAJI: Cela dépend de la personne. Je sais tout ce qu'implique cette question. Je ne vais pas décider cela pour vous, bien que vous le désiriez. Vous voudriez que je dise: séparez-vous de toute chose, de cette organisation-ci, et de cette organisation-là. Qu'arriverait-il si je vous demandais de faire cela? Vous agiriez en conséquence, vous obéiriez à mon autorité, mais dans votre esprit, il y aurait l'incertitude, et cette incertitude vous rendrait malheureux et vous jetterait dans la confusion. Mais si vous décidez par vous-mêmes et si vous êtes sûrs de votre décision, vous ne vacillerez pas et votre décision sera votre guide. Vous avez tous été habitués à vous reposer sur l'autorité, mais on ne trouve jamais la Vérité au moyen de l'autorité d'un autre. La Vérité n'est pas cachée dans l'ombre d'un autre. Il vous faut donc abandonner toutes les autorités et dépendre de vous-mêmes. Parce que vous avez été nourris et soutenus par l'autorité, parce que tous vos espoirs ont été placés dans l'autorité, vous êtes effrayés lorsque je dis: Ne dépendez pas de l'autorité, mais de votre propre connaissance de la vie, de votre propre intuition, qui est la fin de toute intelligence, le résultat de l'expérience. Vous voulez que j'use d'autorité, mais cela me serait impossible car je considère que l'autorité détruit la compréhension; je soutiens que vous ne pouvez atteindre le but que par vos propres luttes, vos propres doutes, votre propre compréhension de la vie.

Durant de nombreuses années, je me suis appuyé sur beaucoup de croyances, je ne me posais jamais de questions et je n'invitais jamais le doute, mais je l'évitais plutôt. Lorsque je commençai a penser par moi-même, je n'acceptai plus l'autorité de personne, je commençai à projeter l'ombre du doute sur toute chose. De cette façon, j'écartai toutes les ombres et je devins la réalité. Maintenant, je suis sûr de ce qui reste en moi. Je ne crains rien, car personne ne peut m'enlever la vérité qui est mienne. Vous ne devez plus être comme des enfants à qui l'on dit ce qu'il faut faire. Ce n*est pas de cette façon que l'on trouve la Vérité.

QUESTION: Les membres de l'Ordre de l'Étoile désirent établir votre idéal dans le monde. Cet idéal peut-il être exprimé pour les autres en termes concrets, ou bien chacun doit-il le trouver par lui-même? Dans le dernier cas, peut-il y avoir un travail coordonné? N'y aura-t-il pas conflit?

KRISHNAJI: Vous voulez dire que ce que je dis n'est pas assez concret. Vous désirez des disciplines, vous voulez qu'on établisse des sentiers étroits, réguliers, bien tracés, sur lesquels vous puissiez marcher. Vous voudriez que je dise que si vous suivez ce sentier vous arriverez; que si vous suivez cet autre sentier vous n'arriverez pas. Vous n'avez pas compris que ce que je dis est tout ce qu'il y a de plus pratique. Si cela ne vous semble pas pratique, c'est parce que vous ne l'appliquez pas à vous-mêmes, et alors cela n'aura pas le pouvoir d'élaguer la sombre forêt de croyances dans laquelle vous êtes égarés.

En ce qui concerne le conflit, je dis que si chacun est sa propre lampe et se guide à la lumière de cette lampe, il ne projettera pas d'ombre sur le visage d'un autre. Je ne veux me quereller avec personne, je ne veux être en conflit avec personne, parce que je ne fais que suivre ce que je sais être vrai, et je n'entrerai jamais en conflit avec quiconque; mais parce que vous ne suivez pas votre propre lumière et que sans cesse vous hésitez, que sans cesse vous mettez en doute votre propre lumière, vous demandant si les ordres de certaines autorités ne sont pas plus sûres, alors vous projetez des ombres et ainsi vous créez la confusion.

QUESTION: La plupart d'entre nous devons nous engager, pour des raisons pratiques, dans une activité non créatrice, et nous sentons que nous participons souvent, directement ou indirectement, à ce que nous considérons comme opposé à la Vérité. Jusquà quel point pouvons-nous faire cela?

KRISHNAJI: Cette question est basée sur une autre: Qu'est-ce qui a de l'importance et qu'est-ce qui n'en a pas à la lumière de la Vérité? N'en est-il pas ainsi? Il vous faut d'abord découvrir ce qui est la Vérité, et lorsque vous avez compris, bien que vous puissiez ne pas être parvenus au but, vous ne céderez jamais, vous ne ferez jamais de compromis avec la Vérité — bien que dans les choses qui, à la lumière de la Vérité, ont très peu d'importance, vous puissiez céder et faire des compromis.

QUESTION: La plupart d'entre nous ont compté jusquà présent sur des sources extérieures pour nous procurer l'inspiration spirituelle. Vous nous demandez de rejeter ces sources comme inutiles. Que mettrons-nous à leur place?

KRISHNAJI: Je ne vous demande pas de rejeter quoi que ce soit. Si vous dépendez de l'inspiration extérieure, il y aura toujours pour vous la probabilité, la certitude même, que votre inspiration s'évanouira. Je dis: Demandez votre inspiration à la Vie elle-même; aimez la Vie, et elle vous inspirera toujours. Aimez la Vérité, aimez le But vers lequel s'efforce l'humanité, et vous n'aurez pas besoin d'inspiration extérieure. Je ne vous retire rien, vous-mêmes rejetez ce dont vous n'avez plus besoin. Je ne vide pas votre coupe, il se peut que vous l'ayez remplie d'eau impure et que, vous en apercevant maintenant, vous la vidiez et la remplissiez à nouveau. Comprenez, je vous prie, que je ne vous retire rien. Au contraire, si vous comprenez vraiment, vous vous apercevrez que vous remplissez non seulement vos coupes, mais aussi les coupes des autres, avec les eaux éternelles qui étancheront toute soif. Mais, si vous ne comprenez pas, votre coupe demeurera vide, ou bien elle sera toute pleine d'eau impure. Je crains que vous ne considériez toujours le côté négatif de ce que je dis, jamais le côté positif, jamais le côté dynamique, mais le côté statique; et à cause de cela, vous avez l'impression que vous êtes laissés sans rien, que vous êtes vides comme une coquille. Si quelqu'un peut vraiment vous retirer ce que vous possédez, alors cela ne valait pas la peine de le posséder. Il serait le bienvenu celui qui me retirerait ces choses qu'il ne vaut pas la peine de posséder. Comment. croyez-vous pouvoir trouver ce qui est durable, éternel? En mettant continuellement de côté les choses que vous avez accumulées, en allant toujours de l'avant, ne demeurant jamais dans aucun abri — aussi consolant, aussi protecteur qu'il puisse être — car là sont la stagnation et la mort. Vous avez peur des pluies prochaines qui laveront ce qui s'est accumulé pendant des âges, et purifieront toute chose.

QUESTION: Quelle est la meilleure réponse à faire aux personnes qui nous interrogent sur l'Ordre de l'Étoile? Lorsque je dis que je crois à la présence de l'Instructeur du Monde, je trouve difficile de leur expliquer ce qu'est l'Instructeur du Monde.

KRISHNAJI: Je causais un jour, en Amérique, avec un de mes amis qui n'avait jamais entendu parler de l'Instructeur du Monde. Je parlai avec lui pendant plusieurs heures; à la fin, il me dit: « Je ne sais pas ce que vous êtes, si vous êtes le Messie ou l'Instructeur du Monde, mais ce que vous dites me semble juste, et je vais chercher à le comprendre et à le sentir. »

Plus tard, il me demanda: « Suis-je obligé de reconnaître que vous êtes l'Instructeur du Monde ou le Messie? » « Ne vous inquiétez pas de cela », lui dis-je, « s'il y a de la Vérité dans mes paroles — si elles brillent d'une lumière qui leur est propre, suivez et comprenez cette lumière, c'est la seule chose qui importe. » Parce que je sais avec certitude ce que je suis, tout est très simple pour moi; vous trouvez toutes ces difficultés parce que vous êtes incertains. C'est parce que vous croyez en l'autorité de quelqu'un que vous cherchez à implanter la même soumission à l'autorité dans le coeur des autres.

Si individuellement vous avez compris, et si vous transformez votre vie, toute votre attitude, vos pensées et votre coeur, alors les gens vous écouteront, et vous pourrez aller à eux et leur donner le baume qui guérira leurs blessures. C'est parce que vous êtes incertains, c'est parce qu'il y a le trouble et la confusion dans votre esprit que vous ne savez comment répondre.

QUESTION: Si des gens nous demandent pour quelle raison nous croyons que vous, Krishnaji, êtes l'Instructeur du Monde, quelle réponse voudriez-vous que nous leur fissions?

KRISHNAJI: Je sais que celui qui me pose cette question est très consciencieux, mais il fait fausse route. Si vous ne faites que répéter des mots que je vous ai appris, ces mots ne signifieront rien pour les autres. Comment savez-vous que je suis l'Instructeur du Monde? Certains d'entre vous ne connaissent ni Krishnamurti, ni l'Instructeur du Monde. Il est amusant, et pourtant tragique en un sens, que vous attachiez tant d'importance à des mots. Je n'ai pas cessé de répéter que le puits d'où vous tirez l'eau n'a aucune importance pourvu que l'eau soit pure et qu'elle apaise la soif des hommes. Vous vous préoccupez de la façon dont le puits est construit, et non de l'eau elle-même.

QUESTION: Un de mes amis m'a dit que depuis qu'il connaît Krishnaji et son enseignement, il sent qu'il peut regarder la vie avec plus de compréhension. A son tour il voudrait aider Krishnaji en atteignant ce bonheur intérieur dont il parle; mais les conditions dans lesquelles il se trouve sont tellement défavorables qu'il lui est impossible d'être heureux, et il sent qu'il ne peut atteindre ce calme et cette harmonie intérieure, qui paraissent la première condition du bonheur et, par conséquent, de la libération.

Que pouvons-nous répondre à cet ami, et que pourrions-nous faire pour l'aider, nous qui sommes probablement placés dans de moins mauvaises conditions que lui?

KRISHNAJI: En d'autres termes, « il sent qu'il ne peut pas atteindre l'harmonie intérieure ».

Vous ne pouvez pas arriver à cette harmonie intérieure en dehors des conditions où vous êtes placé. Vous ne pouvez pas atteindre ce bonheur en vous éloignant du monde; car ainsi, vous sépareriez ce bonheur de la vie du monde, et je vous dis: la vie même du monde dans sa perfection est le bonheur.

QUESTION: Vous dites que Dieu est l'homme purifié. Voulez-vous expliquer cela?

KRISHNAJI: Ami, n'êtes-vous pas Dieu manifesté, dans la limitation? En épanouissant, en libérant cette vie limitée, vous atteignez cette Suprême Intelligence sans limite qui est au delà de la pensée. Est-ce difficile à comprendre? C'est parce que la majorité des gens s'imaginent que Dieu est un être avec une longue barbe, qui s'occupe de chacun individuellement, le guidant et le protégeant, que la Vie et cette idée de Dieu entrent en conflit. Mais si vous considérez la Vie comme cette Intelligence — Dieu, Vérité, Bonheur, Libération — au lieu de chercher quelque être surhumain et lointain, alors cette Vie elle-même sera pour vous une inspiration, cette Vie vous guidera et vous protégera.

La Vie est Dieu, le Nirvana, la liberté et toutes choses. Cette Vie dans sa plénitude, dans sa liberté, est la perfection. Mais ne cherchez pas à vous réconforter par ces mots, ni à vous protéger contre la compréhension, la lutte, la douleur et les joies de la Vie.

QUESTION: Ai-je bien compris l'opinion que vous avez souvent exprimée sur la valeur des cérémonies? S'agit-il seulement de notre attitude intérieure qui doit être une attitude de détachement?

KRISHNAJI: Si vous vous appuyez sur quoi que ce soit pour être heureux, pour comprendre, la chose dont vous dépendez ne vous satisfera jamais.

Vous me demandez si l'on doit rejeter les cérémonies. Ne rejetez rien. Faites ce que vous jugez bien, et ne le faites pas parce que je le dis. Je vous dis que toutes les choses dont vous dépendez sont des béquilles et vous limitent; si vous voulez comprendre pleinement, vous devez les mettre de côté, mais il faut que ce soit parce que vous avez compris, et non poussé par les convictions de quelqu'un.

QUESTION: L'Instructeur du Monde et la Mère du Monde sont-ils l'incarnation des deux principes universels masculin et féminin?

KRISHNAJI: La Vie n'est ni masculine ni féminine. Comme je ne m'occupe que de la Vie, ces choses ont pour moi très peu d'importance. Ce qui m'intéresse, c'est la manière de libérer la Vie, et ces expressions de la Vie ont, je le répète, très peu d'importance pour moi.

Est-ce qu'il y a une Vie masculine et une Vie féminine? Dans les expressions de la Vie vous trouvez l'homme et la femme, mais c'est la Vie qui importe, et non toutes ses expressions. Ce qui vous semble important, ce sont ces formes de la Vie, mais ce n'est pas la Vérité, ni la manière de l'atteindre, qui est aussi la manière de libérer la Vie. A la lumière de la Vérité, ce qui n'est pas essentiel s'efface, et l'essentiel demeure. Mais pour obtenir la compréhension de ces choses, il faut lutter, peiner, il faut des larmes et des doutes. Ne répétez pas des mots après moi sans les comprendre, car l'autorité est semblable à la mauvaise herbe qui envahit le jardin et étouffe les plus belles fleurs.

Je voudrais que vous soyez certains que c'est la Vie qui importe, que la Vie seule a du prix. Je m'occupe de la Vie et de la façon de libérer cette Vie, afin que le bonheur puisse être atteint.

QUESTION: La Théosophie, ainsi que toutes les religions, nous enseigne à suivre la manifestation divine à travers l'involution et l'évolution. Mais l'Instructeur dit qu'un homme peut atteindre la libération à n'importe quel degré d'évolution. En cherchant à nous libérer prématurément, ne risque-t-on pas de violer les lois de l'évolution?

KRISHNAJI: Comment quelqu'un peut-il vous libérer?

Comment une autorité extérieure, si grande et si merveilleuse qu'elle soit, peut-elle vous libérer de vos désirs, de vos passions, de tous vos fardeaux? Il faudra que vous vous libériez vous-mêmes — personne ne peut le faire pour vous — et alors vous n'aurez pas violé les lois de l'évolution, même si vous deviez vous libérer demain. Vous pouvez lier l'avenir au présent.

Par un beau jour chaud et ensoleillé, les fleurs qui naissent se réjouissent et ne demandent pas pourquoi elles se sont épanouies avant les autres.

QUESTION: Oui ou non, l'Eglise Catholique Libérale est-elle un instrument direct pour le Grand Instructeur, ainsi que le Dr. Besant l'a déclaré en 1925 au Congrès de l'Étoile? Elle parlait alors, a-t-elle dit, par ordre et au nom du Seigneur Maitreya, l'Instructeur du Monde; et maintenant, le Seigneur déclare, par la bouche de Krishnamurti, que les religions et les églises n'ont pas d'importance. Que faut-il penser de cette contradiction?

KRISHNAJI: Je dis que les cérémonies, les églises, les croyances, les religions ne sont pas nécessaires à la liberté de la Vie. Je ne vais pas dire oui ou non. C'est une manière beaucoup trop facile de résoudre vos difficultés, ce serait faire appel à l'autorité et non pas cultiver la compréhension. Pourquoi faites-vous quoi que ce soit? Est-ce parce que quelqu'un vous le dit? Pourquoi peignez-vous, composez-vous, chantez-vous, ou faites-vous quelque autre chose? Parce que quelqu'un vous l'ordonne? Quand vous vous soumettez à l'autorité d'un autre, vous enchaînez la Vie. Si je répondais oui ou non à cette question, quelle serait votre attitude? C'est à vous de décider. Vous devez abandonner le refuge de l'autorité et chercher. C'est seulement ainsi que l'on atteint la liberté et le bonheur. Je n'ai pas envie de dire: « Rejetez ceci et acceptez cela », mettant ainsi la confusion dans votre esprit. Vous devez réfléchir, faire ce que vous trouvez bien, et ne pas agir en obéissant à l'autorité de quelqu'un. Essayez de ne pas envisager ces questions d'un point de vue limité. Dans la limitation, vous ne trouverez que confusion et tourment, mais si vous échappez à la limitation, tout sera clair et facile à comprendre. Comme je l'ai déjà dit, toutes les religions sont le produit de la pensée cristallisée, figée. Vous ne pouvez réduire la pensée en système. Aucun Grand Instructeur ne désira fonder une religion. On ne trouve pas la véritable compréhension en s'entourant de liens.

Je regrette de démolir tous vos édifices si bien construits. Vous venez m'écouter, et vous garderez ce qui vous plaît et vous convient, tandis que vous rejetterez ce qui vous déplaît. Il est probable qu'on me demandera encore comme on me l'a déjà demandé si souvent: « Etes-vous réellement l'Instructeur? » Il vous faudra trouver par vous-même qui je suis; ce n'est pas au moyen d'argumentations, de disputes, de discussions, de controverses que vous trouverez, mais seulement en poursuivant la Vérité.

J'espère qu'à présent que vous avez pesé ces questions.

il n'y a plus de confusion dans vos pensées et dans votre coeur. Toutes ces questions sont basées moins sur votre aspiration à découvrir la Vérité que sur votre désir de remplacer les anciennes autorités par des autorités nouvelles. Je veux vous montrer comment libérer la Vie, mais vous ne cessez de vous préoccuper des choses sans importance, non de la Vie mais des diverses manifestations de cette Vie, des ombres nombreuses qui sont projetées sur cette manifestation.

Lorsque vous avez compris ce dont le monde a besoin, toutes les futilités tombent comme les feuilles en automne. Mais ce qui est éternel, ce bonheur qui dure toujours, cette Vérité qui est sans changement, sans commencement ni fin, ne vous intéresse pas réellement. Ce qui vous intéresse surtout, c'est cette ombre de l'autorité qui vous entoure, c'est le présent immédiat dont vous êtes prisonniers. Voilà qui est plus important que ce que je dis. Mais, de même que le sommet de la montagne demeure un mystère pour la vallée, ainsi, pour l'homme qui vit dans les plaines, là où s'étendent les ombres, où passent des visions changeantes de l'éternel, la Vérité est un mystère. Je voudrais que vous ne regardiez pas tout le temps du fond de la vallée ou de la plaine, mais que vous regardiez du haut de la montagne.

VAN GEIRT

Le « Moi »

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RÉALISATION SPIRITUELLE


CAUSERIE par J. KRISHNAMURTI


Vendredi 25 juillet. — Réunion d'été.  

DEPUIS des années vous êtes venus au Camp et à ces Réunions qui précèdent le Camp, avec des idées confuses. Une quantité de gens de toutes les parties du monde se sont rassemblés autour d'une certaine personne. Ce vaste groupe organisé a été dissous. Parce qu'ils étaient attirés vers une personnalité plutôt que vers la réalité centrale, une grande partie des membres de ce groupe se dispersa naturellement, et de moins en moins nombreux seront ceux qui se concentreront et donneront leur entière attention à cette réalité. Ne considérez pas cela comme une menace; il est naturel qu'il en soit ainsi. Il ne peut y avoir qu'un petit nombre disposés à donner leur vie entière, leur enthousiasme, leur intérêt à la seule chose qu'ils reconnaissent dans la vie comme force centrale dynamique.

On ne peut atteindre cette réalité par la raison, mais par l'expérience. Quand on s'en approche en suivant la route de l'expérience, c'est par une continuelle concentration de pensée et d'émotion, un constant ajustement, une constante élimination du non-essentiel. Or, en ce qui me concerne, je l'ai atteinte; mais il est très difficile, très subtil, de décrire ce qui doit être réalisé par chaque individu, parce que c'est le tout de la vie. Nous pouvons le discuter, le disséquer, le mettre en pièces; mais la réalité centrale, qui pour moi est absolue et illimitée, on ne peut s'en approcher qu'avec un affectueux désir de comprendre, avec le détachement de la personne qui parle et de vos propres illusions.

Quand vous combattez l'ignorance, qui est la confusion de l'essentiel et du non-essentiel, quand vous luttez contre les limitations de l'émotion, de la pensée et de la raison, cette lutte vous fait découvrir l'individualité — le sens éveillé de la séparativité — qui n'existe pas dans la nature inconsciente, mais seulement dans l'homme qui se rend compte de ses luttes contre l'ignorance, contre la limitation.

Ainsi naît dans l'homme la dualité « vous » et « je ». Lorsque l'individu qui connaît cette séparation, l'a conquise, toute illusion cesse. Dans ce conflit, dans cette lutte de l'individualité, consciente de la séparativité, il y a nécessairement illusion, parce que l'illusion naît du désir de réconfort.

Le désir de réconfort est le produit de la peur. Lorsqu'on a peur, on cherche à se mettre à l'abri des luttes de la vie, on cherche à modeler sa conduite — et aussi soi-même — d'après un système, un modèle, une règle. Autre illusion: le besoin intense de la continuité de sa propre individualité, les innombrables questions qui naissent de ce besoin — sera-t-on réuni après sa mort à ceux qu'on a aimés? qu'arrive-t-il lorsqu'on meurt? continue-t-on à vivre? revient-on dans un autre corps, et si oui, de quelle manière?… Ce n'est que le désir ardent de la continuité, dans le temps, de sa propre individualité. Toute illusion suppose le désir du réconfort et de la persistance de l'existence individuelle.

Il faut-comprendre que cet attachement aux personnes, au développement de sa propre personnalité, à la continuité du « Je » est une illusion; et si on l'a compris, la foi naît.

Je ne veux pas dire la foi en une autre personne, si supérieure, si évoluée soit-elle, mais la foi en la réalité qui existe en soi-même. C'est ce que j'appelle la vraie foi, la certitude qu'en vous-même se trouve la potentialité du tout, et que votre tâche est de saisir cette réalité, d'être cette réalité.

Quand vous possédez cette foi, vous êtes certain de votre but individuel, vous aspirez ardemment à vous unir à la totalité dans laquelle il n'y a ni séparation, ni distinction entre « sujet » et « objet ». Vous êtes sans cesse rassemblé en vous-même, attentif, concentré sur tout ce que vous faites.

Par la suite, cette concentration devient spontanée, car c'est votre propre désir qui vous pousse à purifier vos émotions et vos pensées pour purifier de plus en plus votre conduite; c'est votre propre désir, né d'une claire compréhension du but de l'existence individuelle.

La conduite, qui est l'expression de la pureté des émotions et des pensées, de la compréhension intuitive, n'enchaîne pas; elle ne devient pas une cage, mais un instrument de réalisation. La conduite dans la vie est la route vers cette réalité suprême, sereine, que chacun — en qui la vie est potentielle, mais non tenue en esclavage — doit réaliser; il n'est pas besoin pour cela ni de discussions, ni de métaphysique.

La souffrance, où qu'elle se trouve, est le résultat de la lutte pour distinguer l'essentiel du non-essentiel. On a conscience du bonheur, de la peine, du plaisir; s'ajuster à cette continuelle variété, à ce perpétuel changement cause de la souffrance.

Puis vient le désir de combattre la souffrance, de lui échapper, de la traiter comme un ennemi; tandis que la peine et le plaisir sont pareillement un sol pour grandir; tous deux peuvent diminuer en vous le sens de la séparativité, ce qui constitue la vraie croissance. Il faut que cette foi, cette certitude naisse en chacun de vous. Elle ne naît pas de la raison, mais d'un continuel tâtonnement à travers l'expérience, poussée par le désir qui cherche sa réalité ultime. Comme je l'ai souvent répété, la réalisation spirituelle est pour tous, parce que cette réalité existe en chacun. Néanmoins, il n'y a qu'un petit nombre qui puisse se concentrer, qui puisse être sans cesse en alerte, s'ajuster grâce à une observation constante, au choix inlassable de l'essentiel et puisse ainsi réaliser de plus en plus l'existence sans effort, l'être sans effort, serein, suprême.


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VÉRITÉ OU LOYAUTÉ

par J. KRISHNAMURTI

Discours d'ouverture du Camp de l'Etoile, à Ommen, le 4 août 1928.

JE désire vous parler sérieusement ce matin, et j'espère que vous m'écouterez attentivement, ce qui signifie que vous serez mieux disposés à entendre qu'à offrir ici un sacrifice d'hommes peu sages, plus empressés à comprendre par vous-mêmes qu'à soumettre votre entendement, si limité, si peu exercé qu'il soit, à une autorité extérieure, à des influences extérieures, à des conceptions ou à des desseins extérieurs. Or, pour vous rendre aptes à me comprendre tout à fait clairement durant la semaine qui commence, j'aimerais bien que vous rejetiez de votre esprit toutes les choses qui tendent à le compliquer, telles que croyances, dogmes, demi-vérités puisés dans l'entendement d'autrui, et que vous essayiez de me suivre, pendant cette semaine, avec un coeur pur et une intelligence équilibrée. Comme une terre aride désire la pluie qui fera jaillir d'elle les feuillages verts, les fleurs odorantes et les frais ombrages, ainsi pendant dix-sept ans — peut-être plus — quelques-uns d'entre vous ont attendu, veillant, pleins d'un désir ardent, anxieux de découvrir par eux-mêmes la Vérité. Et, au cours de ces dix-sept années, vous vous êtes construit de confortables abris, dans lesquels vous pensez trouver la Vérité, dans lesquels vous espérez atteindre ce bonheur éternel, cette certitude du but, cet espoir durable qui alimenteront et fortifieront vos esprits et vos coeurs. Et, comme la pluie fait croître des rejetons verts sur les troncs qui, hier, étaient morts, ainsi la Vérité fera croître en vous l'entendement, si réellement vous rejetez toutes vos mesquines imaginations, vos demi-vérités acquises, vos espoirs chétifs, vos croyances brumeuses; si vous soumettez vos esprits et vos coeurs à un examen clair et pur avec cette ardeur que donne la contemplation du but.

Pour plusieurs ici, je le crains, ce Camp est devenu une habitude. C'est un rendez-vous d'été qui les rassemble pour passer un moment agréable. Mais d'autres viennent ici moins pour jouir du grand air, des larges espaces, des arbres verts, de la tranquillité, que pour découvrir comment distinguer ce qui est important, essentiel, durable, de ce qui est secondaire, passager, sans importance. Si vous venez au Camp non pour interroger, non pour douter, mais seulement pour votre plaisir, seulement pour y trouver un confortable abri, alors le Camp devient inutile. Pendant cette semaine que vous allez passer ici, je voudrais vous suggérer de mettre tout en doute, de laisser de côté tout ce que vous avez amassé pendant ces dix-sept années; car, pour gravir les hauts sommets, il ne vous faut qu'un très léger bagage; pour plonger dans les eaux profondes, il ne faut pas que vous soyez chargés. De même, pour comprendre la Vérité que je vais vous exposer, qui est pour moi la Vérité absolue — en ce sens qu'elle est sans limite, — il vous faut laisser de côté toutes vos récoltes des années passées. Mais, faisant cela, ne devenez pas négatifs; autrement, pendant que vous serez ici, mes paroles influerons sur vous, et sitôt que vous serez repartis, vous subirez d'autres influences. Je veux vous demander, à chacun individuellement, et non collectivement, de douter de tout; et, comme vous n'êtes pas accoutumés au doute, cela vous sera bien difficile. Vous trouverez la Vérité en mettant de côté tout ce que vous avez acquis, et non en restant satisfaits du résultat de vos expériences. C'est en reniant toujours, en abandonnant toujours — pour monter plus haut — tout ce que vous aviez acquis, que vous entrerez dans le royaume du Bonheur où est la Vérité, et qui est l'accomplissement de la Vie.

Le temps est venu où chacun doit avoir sa propre certitude, où chacun doit se tenir debout tout seul, où chaque individu doit confronter sa propre compréhension, où chacun doit décider s'il accepte cette compromission avec les choses vaines qui est une trahison de la Vérité. Je vais expliquer ce que j'entends par là : il est parfois nécessaire de céder sur de petites choses, et cela n'a pas une grande importance. Si l'on me demandait de mettre un manteau gris au lieu d'un manteau bleu, je le ferais sans doute; mais si l'on me demandait de transiger avec la Vérité, c'est-à-dire de dépenser mon énergie à des choses sans valeur, je m'y refuserais. Je le répète, le temps est venu pour nous de décider (je ne dis pas cela comme une menace, et je ne le dis pas non plus comme une invite à entrer dans le Royaume du Bonheur, le Nirvana, la Libération, ou tout autre nom que vous voudrez lui donner); mais, pendant dix-sept années, vous avez attendu, dans l'expectative, l'interrogation, l'étonnement, considérant anxieusement toute chose; et, comme la pluie tombe sur la terre desséchée, ainsi au bout de ces années, l'événement que vous attendiez est survenu; si donc vous êtes sages, équilibrés, désireux de découvrir la Vérité sans condition et sans limite, vous devez être prêts à vous dépouiller de tout ce que vous avez acquis. La vie ne vous presse-t-elle pas sans cesse d'avancer? Vous laisse-t-elle stationner sur place? Votre chagrin ne vient-il pas de rester stagnants, de vous imaginer qu'en obéissant à une autorité extérieure, vous trouverez la Vérité? Pour trouver la Vérité, comme je l'ai dit, il vous faut la volonté de renier tout ce que vous avez amassé. Pendant ces deux dernières années, nous avons erré sans but défini, comme une eau tranquille s'écoule en méandres dans la plaine. Nous n'avons pas attisé cette Flamme blanche nécessaire pour consumer l'écume accumulée. Nous avons respiré cet air d'abandon facile, d'entendement aisé, d'autorité, de décevance; mais maintenant, le moment est venu où chacun, sans se laisser dévier ou forcer par un autre, doit décider lui-même s'il veut concilier les choses vaines avec la Vérité. Je l'ai dit : on ne peut transiger avec la Vérité; du désir de chacun de concilier l'inconciliable naissent le chagrin, les luttes, les débats, la confusion. Vous pouvez vous rassembler ici chaque année, m'écouter, jouir du plein air, du feu de Camp; si vous ne devenez sages, tout cela sera inutile. Si vous n'interrogez, jusque dans leurs racines, les raisons qui font que vous êtes ici, ce Camp sera pour vous sans valeur. Si vous n'avez pas mis en doute les fondements même de votre construction, ce que vous avez bâti ne durera pas. Comment construiriez-vous pour un siècle, pour de nombreux, nombreux siècles, sur des fondations qui ne tiendront pas une année? Le doute peut renverser tout ce que vous avez bâti, parce que d'âge en âge vous avez basé votre entendement sur l'autorité, sur une adoration personnelle. Je vous en prie, n'ayez nulle agitation, ne laissez pas vos émotions s'emporter ou votre intellect prendre le meilleur de vous-même. Pour comprendre avec sagesse, il faut obtenir l'harmonie de votre intelligence et de votre coeur, posséder l'entendement que donne la connaissance spirituelle. Pendant ce Camp, je désire que, à travers tout ce qui vous inquiète, vous agite et vous excite, vous fassiez un rêve qui dure, vous ayez une vision qui demeure. Et cela vous ne le trouverez que dans une compréhension claire du but de la Vie, dans la plénitude de cette compréhension. Si donc, dès cet instant, vous invitez vous-même le doute, au lieu de le laisser se glisser insidieusement dans votre esprit et votre coeur, ce qui demeurera sera la Vérité; ce qui est secondaire, transitoire, disparaîtra; et vous pourrez alors aller dans le monde étancher la soif ardente, guérir la peine de tous les hommes.

De quoi avez-vous tous peur? Pourquoi êtes-vous tous si inquiets? Parce que vous essayez de concilier vos croyances avec cette chose inconciliable qu'est la Vérité, parce que vous essayez de trouver des refuges là où il n'y a pas de refuge, vous cherchez une espérance là où il n'y a pas d'espérance.

La Vérité ne donne pas l'espérance : elle donne la compréhension; et, du moment que vous comprenez, l'importance de tout le reste décroît et s'évanouit. A la fin de ce Camp, lorsque vous partirez et vous disperserez dans le monde, si vous n'avez pas compris, si vous n'avez pas découvert vous-mêmes la Vérité, si vous avez fondé votre entendement et votre connaissance sur l'autorité d'autrui, tous les ouragans et les orages d'un doute venu du dehors renverseront ce que, pendant cette courte semaine, vous aurez construit. Or, je vous demande de creuser avec moi le puits qui doit étancher la soif de tous les peuples de la terre. La seule chose importante, la seule chose nécessaire, le seul but de la vie, c'est de résoudre vos propres problèmes, d'établir en vous-mêmes la source des eaux vives, de ne pas vous contenter de boire à la surface de l'eau d'un autre, ni de puiser à la source qui est en moi. C'est une question grave pour vous, celle de savoir si vous vous contenterez toujours de jouer avec les outils qui doivent servir à creuser le puits. J'espère que vous pensez tous avec moi, car si vous écoutez seulement les mots que je dis, vous perdrez le sens qu'ils revêtent. Saisissez-vous donc de l'esprit de compréhension, qui dépasse tous les mots. Pendant cette courte semaine de votre séjour au Camp, je voudrais que vous recherchiez la solitude, — cette solitude dont vous avez si grand'peur. N'obéissez pas à autrui, quelque sage et profonde que soit son interprétation de la Vérité; ne laissez pas s'emporter vos émotions ni votre intelligence, mais tenez-les en échec, en équilibre, pour comprendre pleinement la Vérité. Si vous cherchez la solitude, loin du trouble des doutes, des interrogations, des inquiétudes, des imaginations d'autrui, si vous appelez en vous-mêmes le doute, alors vous découvrirez cette source de Vérité dont les eaux abreuveront le monde altéré.

Et puisqu'il est habituel à l'homme de se centrer sur soi, je vous suggère de vous centrer toujours plus sur vous-même et que cette concentration devienne si forte et si pure qu'elle vous mène à trouver la Vérité, à écarter toutes les ombres, à ôter toutes les mauvaises herbes de votre intelligence et de votre coeur, afin qu'ils restent purs. Le but de la vie, après tout, est de comprendre pleinement, dans l'harmonie de l'intelligence et du coeur. Vous avez besoin de tant de choses pour vous soutenir et vous guider, de tant de béquilles pour comprendre! Mais les béquilles ne font pas comprendre; elles embarrassent votre chemin; elles entravent, elles arrêtent votre marche en avant. Pendant cette semaine, jetez toutes vos béquilles, jetez toutes ces choses que vous imaginez si nécessaires à la purification et à l'affermissement de votre intelligence et de votre coeur! Dans les verts halliers, un printemps perpétuel conserve à tout la fraîcheur, la vie et la joie; ainsi, si vous rejetez toutes les imaginations qui vous alourdissent, toutes ces choses que vous avez crues naguère essentielles à votre croissance, votre coeur et votre esprit connaîtront un printemps éternel, qui les gardera jeunes, joyeux, animés d'un rythme harmonieux.

Et puis, si je peux le dire sans être mal compris, je voudrais que vous vous efforciez d'être moins loyaux envers autrui que loyaux envers vous-mêmes. Pour être loyaux envers trop de gens, vous avez oublié d'être loyaux envers la Vérité qui est vous-même. Pour vous, la loyauté envers une personne est une chose plus grande que la loyauté envers la Vérité. Je ne souhaite pas que vous soyez loyaux envers moi, mais envers vous-mêmes; ainsi, vous trouverez le printemps perpétuel qui gardera vos esprits et vos coeurs si purs que vous serez loyaux envers tous les hommes. En voulant être loyal envers une personne particulière, vous excluez de votre esprit et de votre coeur la loyauté due à tous et à vous-mêmes.

Si donc pendant cette semaine vous êtes sages, vous trouverez ce que vous cherchez; vous trouverez la force et la compréhension; leur soutien, leur grandeur, leur puissance vous élèveront. Le temps est venu — je l'ai dit — de ne plus transiger avec la Vérité, de ne plus vous soumettre à la domination de l'autorité, autrement vous ne découvrirez pas l'éternel et l'absolu. Pendant bien des années, vous avez erré sur des eaux calmes, où il n'y a ni vents ni orages, où le voyage est aisé; mais, maintenant, vous gagnez la haute mer, les tempêtes, où tous vos bateaux vont faire naufrage pour éprouver votre pleine compréhension de la vie, celle que vous aurez établie vous-mêmes au royaume de la Vérité. En ce qui me concerne, j'ai trouvé la Vérité, la Vérité est établie en moi; et, chaque jour, alors que vous m'écouterez, je vais créer dans votre coeur et votre esprit un orage de doute, une tempête d'inquiétude, afin que vous trouviez le bonheur éternel qui ne change pas et que vous réalisiez la plénitude de la vie. En général, vous venez chercher dans ce Camp un oreiller pour endormir vos inquiétudes et vos doutes; mais, pendant cette semaine, si je le puis, je vais vous arracher tous les oreillers, toutes les béquilles dont vous faisiez votre appui. Ce ne sera pas par dureté, mais parce que j'ai au coeur l'amour de la Vie, l'amour de chacun de vous; parce que je voudrais vous mettre au coeur l'amour de toutes les choses, au lieu que vous restiez épris d'une seule manifestation de cette vie. Je sais que vous repartirez d'ici disant : « Qu'il est dur! Qu'il est cruel! » Mais, que préférez-vous : un médecin qui vous guérisse et vous donne le pouvoir de rester éternellement bien portants ou bien un médecin qui vous prescrive un remède d'urgence pour calmer les symptômes de votre mal, sans atteindre à sa racine? Je parle ainsi non par dureté, mais, au contraire, dans l'affection immense de mon coeur; et, à cause de cette affection, à cause de cet amour, je veux vous montrer le chemin du printemps éternel dont les eaux vives purifient votre esprit et votre coeur.

Il se peut que vous ayez — et je sais que vous avez — une grande dévotion envers la forme qui vous est maintenant présentée, mais vous n'avez pas la même dévotion envers la Vérité, et c'est celle-là que je veux susciter en vous. Vous pouvez me donner votre affection, vous pouvez montrer de la dévotion envers moi, cela n'a pas une grande importance; ce qui importe, c'est que vous deveniez les disciples de la Vérité, et non ceux de l'intermédiaire, de l'ombre qui se dresse entre vous et la Vérité. Or, je le répète, le temps est venu où il n'est plus possible de concilier avec la Vérité vos croyances étroites. Je préfère beaucoup une seule personne qui n'essaie pas de transiger avec la Vérité, à des milliers qui trahissent la Vérité; je préfère une seule personne qui comprenne, à des milliers qui se contentent de répéter mes paroles à travers des masques divers. J'espère donc que cette semaine, arrachant les mauvaises herbes de votre intelligence et de votre coeur, vous vous préparerez à être bouleversés d'une façon sage, et non d'une façon insensée. Car vous allez être bouleversés. Peu m'importe si, à la fin de cette semaine, vous décidez tous de ne pas revenir au Camp l'an prochain; peu m'importe si, à la fin de cette semaine, vous me rejetez de votre coeur et de votre esprit; mais je veux vous montrer que ce qui est faux, ce qui est passager, ne peut pas vous conduire à la Vérité et au bonheur. Pour parvenir au but, pour atteindre l'accomplissement, il vous faut passer par le mécontentement de tout, par une grande révolte, par une vraie tourmente; mais vous ne voulez pas passer par là. Alors, comme vous n'avez pas voulu le faire pendant ces deux dernières années, et comme le temps est venu où il faut que cela soit fait, je vais le faire pour vous, non par dureté, non par manque d'affection, mais, au contraire, par amour. Mon amour n'est pas vous, mais ce qui est derrière vous; je n'aime pas vos visages et vos vêtements, mais ce qui en vous est la Vie, ce qui est mon Bien-Aimé. Parce que j'aime, je veux vous donner la beauté; parce que j'aime, je veux vous donner la noblesse, la pureté et la force, afin que la manifestation et l'expression que vous êtes deviennent compréhension. Si donc vous êtes sages, dès maintenant et pendant cette semaine, soyez prêts à douter de tout. Il faut que vos systèmes, vos philosophies, vos demi-vérités disparaissent tous, pour que vous trouviez l'Eternel. J'espère que vous n'obéirez à personne, mais bien à votre propre intuition, à votre propre compréhension, et que vous opposerez un refus poli à tous ceux qui voudront pour vous interpréter la Vérité. En somme, le problème de l'individu est le problème de l'univers. Si l'individu est heureux, harmonieux, paisible, autour de lui le bonheur, l'harmonie et la paix régneront. Je voudrais que, lorsque vous quitterez ce Camp, vous ayez établi en vous cette paix et cette compréhension que rien ne pourra ébranler.

Se pencher sur soi-même :

que cela signifie-t-il ?

(pp

« COMMUNIQUER l’un avec l’autre, même si l’on se connaît très bien, est extrêmement difficile. Nous voici ici ; vous ne me connaissez pas, et je ne vous connais pas. Nous parlons à des niveaux différents. Je puis employer des mots qui ont pour vous un sens différent du mien. » C’est, pour Krishnamurti, la raison essentielle des maux journaliers de l’existence, de la plus simple à la plus élaborée des valeurs humaines connues et/ou reconnues comme telles. Elle tient de l’absence totale de la connaissance raisonnable du « moi ». Or, c’est précisément cette inexpérience qui justifie, de la part du philosophe, ce second avertissement, à savoir : « Qu’entendez-vous lorsque vous employez le mot « moi-même » (myself) ? Étant donné qu’il y a de nombreux « moi », en vous, en changement perpétuel, existe-t-il un « moi » permanent ? C’est l’entité multiple, le paquet de « mémoires » qui doit être compris et non l’apparente entité unique qui s’intitule le « moi ». Ce n’est qu’en comprenant le processus dans sa totalité, que la pensée ainsi rendue correcte, ouvre la porte à l’Eternel. » Le bilan de cette trame mentale amenant logiquement l’être à « cet art de vivre consistant à mettre une fin au processus du « moi », dit encore Krishnamurti, sommant ainsi sa pensée.

Et, si chez ce dernier, on trouve plus qu’auprès de n’importe quel autre philosophe une quête aussi assidue de vérité acceptable en philosophie moderne qu’en ami de la sagesse, cela est dû primordialement au choc profond causé par le décès de son frère Nityananda, à la fin de 1925. Résumant ainsi son état d’âme en cette époque décisive, Krishnamurti écrit : « Je souffris, mais je commençais à me délivrer de tout ce qui me limitait, jusqu’à ce qu’enfin je m’unis au Bien-Aimé, j’entrai dans l’océan de libération et l’établis au dedans de moi. »

Sur la révolution du « Moi »

Krishnamurti assure que le mécanisme du « moi » est un « changement perpétuel » impliquant de par ce fait le phénomène cyclique qu’il faut approfondir, par conséquent, dans une première phase ? En prenant comme point de départ, le « moi » conscient, ce dernier engendrant les frayeurs primaires, la hantise de la sécurité, nous abordons d’autorité ce que Krishnamurti appelle le « processus du moi » (I process) le qualifiant « d’auto-actif ». « Vous voyez, dit-il, quelque chose qui vous attire, vous le désirez et vous le possédez. Ainsi se trouve établi ce processus de perception, désir et acquisition. Ce processus se maintient de lui-même indéfiniment. Il est auto-actif. La flamme se maintient elle-même par sa propre chaleur, et la chaleur elle-même est la flamme (cf. Krishnamurti et le « moi » tibétain). Exactement de la même manière le moi se maintient lui-même par le besoin, les tendances et l’ignorance. » Le « soi » venant, cycliquement, impressionner le « moi » suggérant » sans aucun doute que la conscience du « soi-en-sa-qualité-de-« moi » survient dès cet instant pareil à un tourbillon éphémère, auto-créateur et auto-sustentateur. Mais créant également entre le sujet et le milieu une apparition simultanée dans le sens du « moi » et la notion d’un non-moi conçu comme opposant à ce moi. René Fouéré, dans son ouvrage Krishnamurti ou la révolution du réel explique ainsi cette étape dans le processus du moi chez Krishnamurti.

Supposons que je me torde le pied à tel point qu'il va en résulter une entorse. Tout d’abord, je ressens une douleur violente. Cette douleur, née de surtensions musculaires va engendrer elle-même de nouvelles surtensions, dues à des causes externes, et génératrices de douleurs, vont succéder des surtensions d’origine interne qui, créées par cette douleur, la perpétuent. Ainsi une sorte de circuit va s’instituer entre surtensions musculaires et douleurs. Les unes faisant surgir l’autre, et réciproquement.

Au départ la douleur avait une cause objective, indépendante du sujet en ce sens qu’elle supposait des rapports entre ce sujet et un milieu, qu’elle ne s’expliquait pas sans l’intervention de ce milieu. Elle est le résultat d’une déformation anormale infligée à la musculature du pied par un mouvement malheureux sur un profil inspiré par le milieu.

Mais à partir du moment où la douleur surgit et devient fulgurante, on voit apparaître un état de choses qui se maintient de lui-même, qui ne cesse de renaître de ses propres conséquences. La douleur devient la cause même des états qui la produisent. C’est-à-dire qu’à travers les surtentions musculaires qu’elle entraîne, elle devient sa propre cause. Dès lors elle n’a plus de cause distincte, n’étant plus causée par rien d’autre qu’elle-même. On chercherait vainement hors d’elle une cause qui, dotée d’une existence propre et autonome, serait responsable de sa perpétration.

Ainsi, bien que la douleur envisagée soit un fait, elle n’en est pas moins une illusion, en ce sens qu’elle n’a pas de fondement réel, pas de cause véritable, permanente, extérieure à elle-même. Elle crée, à chaque instant, sa propre continuité, sa propre durée. Et M. Fouéré de continuer sur plusieurs pages encore l’explication imagée certes, de la relation sujet-milieu, auto-création, moi-soi. Par trop imagée cette présentation de l’écrivain peut entraîner une mécompréhension des relations profondes entre le moi « connu » et le moi « profond ».

Sur Krishnamurti et le « moi » tibétain

C’est pour cela que je préfère l’approche similaire à prime abord du « moi » krishnamurtien et du « moi » bouddhiste. L’« awareness » (lucidité) des bouddhistes tibétains et la « vue juste » de Krishnamurti incitent à pousser, plus loin encore, les similitudes entre les « ego » cités ici. « Personne n’accomplit l’action, personne n’en goûte les fruits, seule la succession des actes et de leurs fruits tourne en une ronde continuelle, tout comme la ronde de l’arbre et de la graine, sans que nul ne puisse dire où elle a commencé. Ceux qui ne discernent pas cet enchaînement croient à l’existence d’un « ego » révèlent les textes Mahâyânistes et Hinâyânistes, lorsqu’il s’agit d’infirmer l’hypothèse du « moi », du moins telle que nous la concevons. Les livres tibétains expriment ainsi la même pensée, dans un autre vocabulaire, que Krishnamurti. On trouve également dans ces livres, la théorie cyclique du « moi », comparant ce dernier à une flamme.

« Si nous regardons distraitement une flamme de bougie située dans une pièce privée de courant d’air, nous aurons l’impression de voir une forme brillante, immobile, continue. Or, nous savons fort bien que la flamme n’est pas immobile. Elle se recrée à chaque instant. Elle est dans un flux continuel. Elle s’alimente des milliards de molécules qui fondent et se consument en se combinant à l’oxygène de l’air et donnent la chaleur à la flamme. La notion que nous avons d’une apparente immobilité de la flamme provient essentiellement de notre inattention. Le « moi » est semblable à cette flamme. C’est par ignorance et absence de vue juste, que nous avons de notre soi-conscience et de nos pensées une vue continue. Ce sentiment de continuité nous incite à nous considérer comme une « entité » toujours identique à elle-même. La réalité est autre. Notre « moi » n’est que révolution.

Sur la dualité du « moi »

Le moi étant révolution permanente, par conséquent en opposition constante, cela étant d’ailleurs la base des grands conflits intérieurs qui régit l’être, Krishnamurti dit encore : « Quand vous avez peur, vous cherchez le courage et ce courage, nous l’appelons vertu, mais que faites-vous en réalité ? Vous fuyez la peur. Vous essayez de recouvrir la peur d’une autre idée, que vous appelez courage ; vous pouvez le faire momentanément, mais la peur continue d’exister et se manifestera sous d’autres formes ; tandis que si vous essayez de comprendre la cause fondamentale de la peur, l’esprit n’est plus captif du conflit entre les opposés. »

La conscience de soi crée la dualité et vous avez ainsi la conscience cosmique et la conscience individuelle, toutes deux étant des conceptions fausses qui surgissent à l’intérieur des limitations de l’individualité. Il résulte de cela une constante bataille entre les deux parties du même centre. La partie personnelle demande à la partie universelle pourquoi elle a créé la misère, l’injustice, la douleur. De cela résultent des spéculations sans fin au sujet du comment, du pourquoi, de la cause et de la finalité, qui n’auront jamais de réponse parce quelles partent d’un faux raisonnement. Où se trouve donc ce « moi » parfait que prônent certains anciens, il faut pour approcher cet idéal abstrait, hormis la flagrante dualité du « moi », que l’être parvienne à cerner la terminologie de son « moi », prenant par exemple, la réalité qu’il n’est lui-même que devant un autre, et que sans ce dernier, le « lui-même » disparaît. C’est aimer et être aimer. C’est concevoir et être conçu. Autant de divisibles et d’indivisibles. C’est, qualitativement une impasse, l’un détruisant l’autre. En imposant à autrui son « moi », il n’est plus « sien », mais « leurs », perdant ainsi sa particularité propre, à savoir, le sentiment profond qui l’avait entraîné. Et c’est sans aucun doute la contradiction impérieuse du moi krishnamurtien. Pascal disait du moi qu’il était « haïssable ». Suivant sa ligne de pensée, il était donc nuisible, destructible. Or, le fait de vouloir le détruire, ce « moi haïssable » ne peut que le renforcer. A force de n’en plus vouloir, de bâtir nombre d’éléments pour sa destruction, l’existence de ce moi est solidifiée. C’est un faux problème du choix.

Sur la fuite du « moi »

Dualité, choix, surtout ignorance du « moi » peut être la clé et la conclusion du « moi » krishnamurtien, bien que selon sa propre philosophie, le phénomène de révolution interdit un début et une fin, si ce n’est arbitraire, au cycle du « moi ». Face aux contradictions permanentes du « moi », l’individu est entraîné dans une souffrance métaphysique qu’il veut fuir afin de retrouver une sérénité de l’âme, même passagère. Reste à savoir si cette souffrance sera assez forte pour qu’éclate l’ignorance dont nous parlions précédemment. « La souffrance n’est pas autre chose que cette haute et intense clarté de la pensée et l’émotion, qui vous force à reconnaître les choses telles qu’elles sont ». Or, l’homme n’aimant pas souffrir, son « moi » repousse cette alternative, mieux, cette solution de vérité nue. Il fera tout ce qui est acceptable en son âme pour s’évader de cette condition. M. Fouéré, définit quelques-unes de ces réactions... humaines !

Recherche du réconfort : on prend plaisir à inventorier les appuis qui subsistent ou l’on se comptait dans l’évocation des fastes du passé. Repliement sur soi : on ne veut plus renouveler l’expérience douloureuse, rencontrer la ou les personnes qui ont lésé. Cette dernière attitude conduit éventuellement à la répulsion, à la haine : dans ce dernier cas, l’état de creux consécutif à la souffrance se transforme en exaltation agressive.

Recherche d’un autre terrain d’affirmation : d’une nouvelle méthode ou spécialisation. Dépréciation de l’être qui fait souffrir : l’exemple courant de l’amant qui dit : elle est partie, elle ne méritait pas que je m’y intéresse. Rationalisation : Il se dit que c’est dans la nature des choses, que cela devait arriver (fatalisme).

Mise en œuvre d’une discipline quelconque pour acquérir fermeté de caractère, impassibilité.

Que faut-il dire de ces réactions on ne peut plus humaines que chacun a souvenir d’avoir péniblement traversées. Evasion, bien sûr. Lâcheté, peut-être. Refus inconscient de faire face à la douleur, à la souffrance morale. Refus de se suffire. Mais c’est là notre quotidien. « Nous avons dit que sans connaissance de soi, aucun problème humain ne peut être résolu de façon permanente. Peu d’entre nous sont disposés à entrer complètement dans un problème et à appréhender le mouvement de leur pensée, de leurs sentiments et de leurs actions comme un tout intégral ; la plupart d’entre nous veulent une réponse immédiate, sans comprendre en son entier le processus de nous-même » conclut Krishnamurti.

« Me comprendre moi-même est d’une importance primordiale, parce que je ne peux comprendre aucun problème humain sans comprendre l’instrument qui observe, l’instrument qui perçoit, qui examine. Si je ne me connais pas, je n’ai aucune base pour penser ; et me connaître n’est pas le résultat d’une spécialisation, du fait que je deviens un expert en connaissance de soi, ce qui, au contraire, m’empêche de me connaître. Car le moi est désir, il est vivant, toujours en mouvement, il n’a pas de repos, il subit constamment des changements ; et pour comprendre le désir vous ne pouvez pas avoir un plan d’action. »

Sur le « moi » d'un tout-le-monde

J’avoue, au fil de cet article, découvrir une vision du « moi » positive, constructive. Philosophes du monde et de tout temps ont des explications négatives, quand ce n’est pas destructives du « moi », de l’ego, de l’I (je-moi). Inutile bien sûr ici de mentionner l’affectif « moi-je » qui n’est que le reflet du « soi-conscient », du « moi-connu », du « moi-connais ». Or, Krishnamurti ouvre ici un véritable dialogue intérieur, à la merci de sa conscience entre le « moi » et le « moi », l’être et le paraître. Je, donc je suis. Absurdité shakespearienne tronquée afin de mieux définir le dialogue entre le « moi-intérieur », caché et le « moi-extérieur » apparemment découvert, visible à l’âme nue. Qui est « moi » ? La flamme ou l’entorse. La douleur ou l’absence de douleur. Ce masochisme de l’âme, cette torture de « soi », ce tunnel effrayant de l’obscure vérité. Dans un monde où le temps-vitesse régit l’être, peu sont ceux qui croient bon de se pencher, une seconde durant sur l’intérieur. « Je me connais ! » Mais Krishnamurti pose le problème entre la connaissance et le savoir de « moi ». Qui et quoi dicte les réactions et les actions d’autrui à votre endroit si ce n’est trop souvent une parfaite ignorance de votre « moi » profond.

Fenêtre grande ouverte sur le monde intérieur, le « moi » consciemment inconscient dicte chacun des actes apparemment incontrôlables. Notre rationalisme, notre terminologie contradictoire veut que nous lui trouvions des excuses, sortes de pis-aller du genre : c’est l'instinct... l'intuition... le pressentiment, la ou l'explication est si simple. Incapables de connaître le « moi » des autres, nous nous enferrons à simuler, fantômatiser, échafauder, mille rapports faussés à la base. Et cela uniquement à cause de cette obstination qui se veut de prendre ses irréalités psychologiques pour des vérités absolues. Qui, caucasien, n’a pas ressenti cette gêne incontrôlable à l’endroit de l’hindou, de l’asiatique ? Cette impression de « moi » mis à nu par une force supérieure, par une perceptivité innée dont ils semblent dotés. Le « moi » krishnamurtien est une porte ouverte sur la communication entre les êtres. De ces portes, qui font peur car elles ouvrent sur la vérité. De ces vérités que les siècles nous ont appris à ne plus vouloir voir.

L'enfer existe là où n’existe pas l’amour

et réformer l’enfer n’est que le décorer.

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