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Robert Linssen

SAANENMOSER

Extrait du n° 261 de la revue Être Libre (Novembre-Décembre 1974).


LE séminaire d'études spirituelles 1972 se situe parmi les meilleurs réalisés au cours des 37 dernières années. N'oublions pas que le premier séminaire international d'études spirituelles s'est tenu au mois de mai 1935 en Belgique, près de Tervueren !

En dépit du grand nombre, variant de 60 à 135, nous avons rarement éprouvé un tel sentiment d'intensité dans la recherche spirituelle en profondeur. Peut-être est-ce pour cette raison qu'il n'était pas nécessaire de « socialiser » ou d'organiser artificiellement par l'extérieur un « esprit de groupe » ou de « communauté » spirituelle en s'associant sous l'égide d'un « idéal ». Tout cela n'était plus nécessaire. Sans idée, et surtout, au-delà de toute idée, dans une parfaite simplicité, en toute spontanéité, chacun tendait à mieux se connaître. Cette meilleure connaissance « en profondeur » conférait une disponibilité génératrice d'une libre communion spirituelle affranchie de toute idéologie, de tout impératif.

Mais lorsque nous parlons de profondeur, ce terme n'implique pas un désintéressement des problèmes concrets « de surface » avec lesquels chacun se trouve confronté dans la vie quotidienne.

Le thème fondamental de notre séminaire et de tous les autres à venir était et sera « la connaissance de soi ». Il a fait et fera toujours l'objet d'une série d'entretiens (autant que possible non-intellectuels), mettant en lumière les implications énormes d'une pleine connaissance de nous-même.

Nous disons bien « implications énormes , car la pleine connaissance de soi ne concerne pas seulement une prise de conscience de nos réflexes corporels, ni de nos réactions émotionnelles et mentales au cours de nos relations avec les êtres et les choses.

Certes, cette prise de conscience que nous suggère d'ailleurs tout yoga équilibré est indispensable. Mais cette dernière se limite à l'ensemble de notre structure psychosomatique.

Répétons-le : nous ne sommes pas seulement ce corps né il y a quelques années et mourant dans quelques années, ni les émotions et les pensées innombrables défilant dans le champ de notre mental. Là, se situe l'aspect le plus superficiel, le plus périphérique de notre constitution. Cet aspect est esclave de conditionnements beaucoup plus rigides que nous le pensons. Il est le résultat d'un passé considérable dont les origines sont obscures et lointaines.

Au delà de cet aspect superficiel que nous désignerons par « aspect de surface » et auquel hélas, se résume la prise de conscience de l'immense majorité des êtres humains, il existe un aspect de « profondeur ». Celui-ci est entièrement libre du temps et de l'espace, inconditionné. Il est intemporel et n'est le résultat d'aucun passé.

Cet aspect des « profondeurs » est fondamental, essentiel et la pleine connaissance de soi consiste non seulement à prendre conscience de ce niveau primordial de notre être mais surtout à lui accorder la place de priorité fondamentale qui lui revient naturellement.

Il y a donc une antimonie, une contradiction apparente, entre chacun de nous considéré comme résultat essentiel du passé d'une part, et d'autre part, la Réalité la plus profonde de notre être et de toutes choses qui est un Présent perpétuellement neuf. Il s'agit d'un processus de création pure, entièrement libre, échappant à toute représentation mentale. Peu importe les noms que l'on y donne : Brahman pour les anciens indiens, l'Inconnu pour Krishnamurti et très curieusement pour le prof. Wheerler (l'un des plus grands savants physiciens actuels, prof, à l'Université de Princeton (U.S.A.) : un champ unifié de création pure.

Tous les exposés de notre séminaire ont tenté de situer les obstacles, nous empêchant la pleine disponibilité au Présent intemporel. Mais, comme le dit souvent Krishnamurti, pour aller loin, il faut commencer par ce qui est tout près : nous voir chacun, tels que nous sommes, actuellement, dans notre égoïsme, nos avidités et nos conditionnements présents.

Parmi ces conditionnements il faut citer les vices de fonctionnement de la pensée engendrant des identifications à la somme considérable des mémoires. Cet ensemble de résistances a de tous temps été symbolisé, soit par le « Vieil homme » des Ecritures, soit par le « Gardien du Seuil » dans certaines traditions initiatiques.

Il est très important que soient mises en évidence, les pulsions qui sont à l'origine de l'agitation mentale et l'existence d'une discontinuité fondamentale de la conscience cachée par ces pulsions. Pour cette raison des exposés mettant en évidence l'existence de vides interstitiels entre les pensées (Turya) et l'agitation mentale envisagée comme réflexe d'une peur fondamentale sont soumis à nos méditations.

De même est-il nécessaire de prendre conscience de l'angoisse fondamentale liée à la condition d'exil inconscient dans laquelle se trouvent la plupart, angoisse qui ne résulte pas seulement d'une condition d'isolement créé arbitrairement par la pensée mais angoisse aussi éprouvée par le « Vieil homme » craignant de ne pas « se continuer en tant qu'entité » et de ne plus pouvoir se nourrir de cet aliment psychologique de base qu'est l'agitation mentale désordonnée.

Tout cela a été dit et redit. Cela sera encore dit et répété de diverses façons par divers interprètes. L'essentiel réside dans le fait que chacun puisse en faire l'expérience vivante en prenant pleinement conscience de son propre processus de pensée, non seulement à un niveau intellectuel mais aussi un niveau affectif.

A une certaine profondeur d'ailleurs il devient absurde de séparer « raison et cœur .

Il a été répété maintes fois et nous le répéterons encore à dessein que cette expérience fondamentale, pour ardue qu'elle soit est suprêmement naturelle et simple.

Mais parce que nous sommes compliqués il est, pour nous, très compliqué de redécouvrir cette simplicité fondamentale.

Il n'y a rien à « faire ». Il n'y a pas de nouveaux biens à acquérir. Il y a plutôt à défaire.

« Le visage que nous avions avant que nos parents nous aient conçu » (selon une expression symbolique du Zen) est toujours là, libre, inconditionné, intemporel.

Et que l'on ne postule plus jamais à priori l'impossibilité d'une telle prise de conscience. En postulant a priori la quasi-impossibilité de l'Éveil intérieur nous érigeons de nos propres mains l'obstacle qui nous en sépare. Ne perdons pas de vue qu'à beaucoup d'égards, l'Éveil intérieur est l'Etat Naturel par excellence.

Il est aussi naturel que le fait de respirer est parfaitement naturel. Il ne s'agit pas ici d'un jeu de mots.

« Le visage que nous avions avant que nos parents nous ont conçu » est aussi le visage de l'Amour sous sa forme la plus ineffable.

Nous avons répété maintes fois et nous répéterons encore qu'il y a dans l'Amour comme dans l'Intelligence la Flamme et les fumées. Cette belle image a souvent été évoquée par Krishnamurti.

La Flamme de l'Amour est voilée par les fumées de l'égoïsme, de la jalousie, de la domination, de la possession, de la recherche des sensations, de l'habitude.

La Flamme de l'Intelligence est voilée par les résidus de la mémoire, des mots, des symboles, de l'intérêt, du calcul, de l'avidité, de l'habitude.

L'Éveil consiste en un affranchissement des fumées que nous connaissons si bien afin de ne plus ternir la clarté première de la Flamme.



 ✻ 



Il va de soi que de telles recherches sont fécondes seulement dans la mesure où nos esprits sont libres de tous préjugés, de tout « a priori » mental, de tout dogmatisme, de toute religion particulière. Il s'agit en fait d'une Religion Naturelle et Universelle dégagée des conditionnements, des dogmatismes, des codifications accumulées par les religions particulières.

N'appartenant nous-même, à aucune secte, à aucune religion ni école de philosophie, nous ne sollicitons aucune adhésion de qui que ce soit à quoi que ce soit.

Nous souhaitons simplement que chacun découvre en lui-même et par lui-même les conditionnements qui l'emprisonnent et se libère des chaînes qui l'asservissent.

Cette libération est elle-même un acte de création contenant en lui-même la révélation d'une mutation spirituelle authentique.

Ram LINSSEN.  


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