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Robert Linssen

LES « GNOSTIQUES DE PRINCETON »

Extrait du n° 261 de la revue Être Libre (Novembre-Décembre 1974).


(L'EVÉNEMENT DE 1974)


LES révélations contenues dans le récent ouvrage du professeur Raymond RUYER de l'Université de Nancy, intitulé « La Gnose de Princeton » constituent à notre avis, l'événement philosophique le plus important de ces dernières années, et peut-être même, de la seconde moitié du XXème siècle.

L’ouvrage résume les conclusions identiques et bouleversantes auxquelles sont arrivés divers savants de réputation mondiale, des Prix Nobel, des physiciens, biologistes, mathématiciens, astrophysiciens, médecins, — américains — pour la plupart. Ces conclusions constituent une confirmation inattendue, d'un éclat inespéré des idées émises dans les essais que nous avons publiés en 1966 sous le titre « Spiritualité de la Matière » et en 1974, dans « Science et Spiritualité ».

Qui sont les « Gnostiques de Princeton » ?

Beaucoup sont des physiciens travaillant dans les laboratoires de l'Université de Princeton où le célèbre Robert OPPENHEIMER (1904-1967) poursuivait ses travaux en collaboration avec le professeur John WHEELER, co-auteur de la Bombe Atomique. L'équipe des savants de Princeton comptait également des savants chinois et japonais. Parmi eux se trouvaient de nombreux sympathisants d'un bouddhisme très dépouillé pour lequel Robert OPPENHEIMER et J. WHEELER n'ont jamais caché leur profonde sympathie.

Les plus célèbres « chasseurs de particules » et les théoriciens les plus audacieux de la physique nucléaire et intra-nucléaire n'ont jamais manqué de rendre hommage à la profondeur des enseignements du Taôisme, de l'Advaïta védanta et d'un « Zen authentique » qui est totalement étranger au Bouddhisme Zen de « bazar » qu'ils dénoncent avec autant de force que nous ne cessons de le faire nous-même. « Il faut imaginer, écrit Raymond BUTLER, l'atmosphère si particulière de ces communautés scientifiques, vraiment « tibétaines », qui se sentent sur le « toit du monde ». D'un monde qu'elles dominent par l'intelligence mais non par le pouvoir » : Les Gnostiques de Princeton sont apolitiques. Ils sont semblables aux sages de l'époque hellénique, témoins de la dissolution, en des empires aux contours incertains, du vieux monde politique des cités » (p. 9). Certains d'entre eux se réfèrent volontiers au philosophe anglais Samuel BUTLER.

Dans quel sens faut-il interpréter l'expression « Gnostique de Princeton » et de quelle « gnose » s'agit-il ? La gnose traditionnelle naquit en Méditerranée orientale vers le 1er siècle après J.C. La parfaite connaissance de soi et la science étaient présentées comme les voies du Salut. Elles permettaient une participation effective à la Réalité suprême formant l'essence spirituelle des êtres et des choses.

La gnose peut être définie comme une science nous informant de la nature d'un principe divin, nouménal, universel, formant au niveau phénoménal, l'énergie motrice de toute existence.

Comment se fait-il que des physiciens soient arrivés à de telles conclusions ?

L'étude du comportement de constituants intra-nucléaires, du champ unitaire et de l'essence ultime du monde matériel, les a conduit à considérer que c'est à ce niveau que se situe « la base » ou l'endroit unique des êtres et des choses. De cet « endroit », nous ne voyons que l'envers. Cette « base » est une Conscience cosmique omnisciente.

Laissons ici la place à quelques passages fondamentaux du professeur RUYER :

« Le monde est dominé par l'Esprit, fait par l'Esprit ».

« L'homme, par la science, mais par une science supérieure, transposée peut accéder à l'Esprit Cosmique ».

« Qu'est ce que l'Esprit ? : c'est la Conscience Cosmique ».

« L'Esprit ne trouve pas la Matière comme opposant, il la constitue, il en est l'étoffe ».

« La Matière, les corps matériels n'en sont que l'apparence (pour un autre esprit) ou le sous-produit par effet de multiplicités désordonnées » (p. 33).

« L'Univers est, dans son ensemble et son unité, conscient de lui-même. Il n'est pas fait de « choses », de « corps matériels ». Ses énergies ne sont pas physiques ».

La plupart des physiciens ayant constaté la nature véritablement immatérielle de la Matière et le caractère de priorité qu'occupe la « base unique » ou l'Endroit de l'Univers par rapport aux apparences multiples « de surface » ont naturellement abouti à des conclusions identiques à celles des formes dépouillées du Bouddhisme Ch'an ou de l'Advaïta Védanta :

Il n'y a qu'un sujet : le SUJET Cosmique, qui est lui-même Conscience Cosmique. Au cœur ultime des êtres et des choses IL est leur unique réalité. De ce point de vue, il n'y a ni « choses » ni objets séparés, ni « corps » tels que nous les éprouvons.

Exposant le contraste de la position philosophique des Gnostiques par rapport aux matérialistes, le professeur Raymond RUYER écrit (p. 35) :

« Le matérialisme consiste à croire que tout est « objet », tout est « extérieur », tout est « chose ». Il prend pour argent comptant le caractère « surfaciel » de la perception visuelle et de la connaissance scientifique. Il prend pour « endroit » (right side) l'envers (wrong side) des êtres... »

« La Gnose prend le contre-pied du scientisme matérialiste ».

« Tous les êtres sont conscients, signifiants — ou plus exactement pleins de sens — informants et s'informant. Non seulement leur « corps » (leur envers visible) n'est qu'un aspect superficiel pour un « observateur » extérieur à eux, mais ils n'ont pas de corps, ils ne sont pas corps ? »

« Ils sont tout endroit. Ils n'ont un « envers », un corps, que les uns pour les autres. Ils se voient et, se voyant, ils se transforment mutuellement en choses vues »...

« L'existence corporelle n'est jamais qu'une illusion, un sous-produit de la connaissance perceptive ».

La prise de position surprenante qui est exprimée ici doit être comprise comme « contraste » existant entre les apparences « surfacielles » et la Réalité profonde d'une part, et d'autre part comme une conséquence de la place de priorité absolue qui doit être accordée à l'Endroit unique de l'Univers par rapport aux apparences multiples des « envers ».

C'est la prise en considération constante du caractère de priorité de l'Endroit, comme Conscience Cosmique, comme SEUL sujet valable à priori, qui préside à la « Cosmologie des « ici » et des « ego ». Pour cette raison, le professeur RUYER écrit (p. 42): « Le « je » sort, secondairement, de l'auto-présence, du domaine présent « ici-maintenant ».

La « présence » fait le « je » présent. Ce n'est pas le « je » qui fait la présence ».

« Le monde spatio-temporel est fait de l'intérieur, comme la coquille de l'escargot qui pourtant l'habite. Il est fait par tous les « je » qui y agissent.

« L'Univers spatial est un système d'apparences observées d'une infinité « de points de vue (d'observateurs-sujets). »

« L'espace métrique est une construction intellectuelle qui permet la communication réglée entre observateurs ».



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Ainsi que nous le disions précédemment, les Gnostiques de Princeton s'inspirent fréquemment des formes supérieures du Bouddhisme concernant l'irréalité du « je » et la façon dont s'élabore la conscience égoïste subjective. Ils en adoptent également certaines techniques classiques de méditation. Le but de cette méditation est d'inverser le sens réel et l'ordre naturel de nos perceptions, toujours en fonction de la place de priorité accordée à l'Endroit unique, base ultime et essentielle des êtres et des choses.

C'est dans cette optique que les Gnostiques déclarent : (p. 49) :

« Je regarde » est une expression commode, mais qui inverse l'ordre réel ». « L'ordre réel est plutôt d'abord 1° un champ visuel, ensuite 2° une existence subjective, ensuite 3°, une conscience informée, ensuite 4°, un « je » et enfin 5°, impression (fausse) que « je dirige mon regard sur... ».

« Le domaine visuel (et la conscience en général) est domaine « mien », parce qu'il est ici. Il n'est pas ici, parce qu'il serait par moi, qui serait un ici abstrait et « a priori ». « En ce sens, « je » n'existe pas. C'est la présence absolue d'un domaine « ici-maintenant » qui me fait exister.

Sans domaine présent, « je » ne suis rien. Je suis « existé » par la présence absolue du champ « d'ici-maintenant ».

Nous comprenons dès lors la nécessité d'un rétablissement et d'un réajustement fondamental dans la façon et dans l'ordre selon lesquels nous nous approchons, aussi bien nous-mêmes que les êtres et les choses. En fait, nous approchons les êtres et les choses ainsi que nous mêmes « à contre sens », c'est à dire en sens contraire d'une direction naturelle. Ce « contre-sens » nous fait partir de notre situation périphérique et superficielle, situation d'un « moi » qui se situe d'office, à priori au centre de toutes choses. Nous nous plaçons d'office comme « sujet » fondamental considérant le reste de l'Univers comme « objets » réels, isolés, indépendants. Nous vivons à l'envers dans un « Envers ».

Le sens véritable, au contraire, consisterait à situer le point de départ dans l'Endroit unique de l'Univers, de nous-mêmes, de tous les êtres de toutes les « pseudo-choses ».

Le sens véritable consisterait à partir de la base et non de la périphérie. Il signifie, que l'on assigne « à priori » à la Réalité fondamentale de l'« Univers la place de priorité qui lui revient naturellement de plein droit.

Dans la pratique de la vie intérieure, ceci a pour conséquence que l'on ne se réfère plus à priori aux apparences, aux mirages d'un rêve collectif qui ne doit sa consistance qu'aux milliards d'interférences évanescentes de « pseudo-sujets » à moitié endormis qui se prennent pour des « ego ». C'est à ce niveau là, et nulle part ailleurs que se situe la véritable pratique, la seule méditation authentiquement libératrice suggérée par les Maîtres de la Voie Abrupte du Bouddhisme Ch'an et non dans les exercices infantiles du Bouddhisme Zen « de bazar » ni dans les « Za-Zen » du Soto Zen à la mode.

Certaines expériences de physique illustrent l'existence d'un « sens » fondamental émanant des profondeurs « immatérielles » du monde matériel. Elles démontrent directement la place de priorité fondamentale que nous devons accorder à l'Endroit du monde.

Afin de nous rendre accessibles les conséquences de la « non conservation de la parité » découverte il y a quelques années par les physiciens, Raymond RUYER évoque à titre d'exemple les différences existant entre l'image d'un objet physique et une image mentale. Il écrit à ce sujet : (p. 50)

« Une spirale, un svastika, pensé, ne peut être vu en miroir ou par transparence, comme s'il était tracé sur une feuille mince.... Je ne puis lire l'heure sur le cadran de ma montre vue dans un miroir. Il n'y a jamais indifférence au sens, indifférence au fait d'être vue ou non dans un miroir, pour une image mentale. Inversement, on peut donc dire que la découverte de la non-conservation de la parité, de la non-indifférence au sens et à l'« opération miroir », pour certaines particules, est la première brèche de la science, la première preuve directe que certaines particules, au moins, ne sont pas des objets autour desquels on pourrait tourner... »

« Les Gnostiques considèrent que l'Endroit » subjectif du cerveau, c'est à dire le champ de conscience, loin d'être une anomalie dans l'univers, est révélateur du mode fondamental des réalités.



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C'est surtout du point de vue de l'intelligence et de la conscience de l'énergie fondamentale de l'Univers que les Gnostiques sont intéressants à étudier. Non seulement, leurs conclusions sont favorables à l'existence d'une intelligence de ce que les physiciens appellent « le champ unitaire spinoriel non linéaire » mais il y a beaucoup plus. Les constituants moléculaires ou intra-nucléaires manifestent non seulement « intelligence et conscience » mais leurs qualités d'intelligence et de conscience sont supérieures à celles des êtres humains. Contrairement à l'impression dominante de la plupart, il n'y a là, rien de vague ni de confus.

Exprimant fidèlement les vues des « Gnostiques de Princeton » dans son ouvrage dont le manuscrit a été revu par eux, le professeur Raymond RUYER écrit, dans un chapitre remarquable dont nous citons quelques passages (p. 51) :

« La réalité, fondamentalement, ressemble à l'esprit (conscience visuelle, plus lois et normes de formation) plus qu'à la matière, d'abord en désordre, puis arrangée ».

« Les pièces matérielles d'un puzzle ne se mettent pas en ordre d'elles-mêmes (car elles sont « macroscopiques » et, au surplus artificielles). Mais la matière (en microphysique) s'organise bien elle-même dans un espace et un temps « matriciels » c'est-à-dire analogues à un schéma de test psychologique par complétion ou arrangement selon un sens... »

« Normalement, toute matière est déjà esprit, en ce sens qu'elle se « voit » elle-même et s'organise elle-même dans son champ de vision. »



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Raymond RUYER entreprend ensuite, ce que l'on pourrait désigner comme une « grande offensive » contre le préjugé de l'inintelligence des constituants ultimes de la matière ou du caractère vague et confus de ces derniers. Mais l'intelligence ici doit être prise dans un autre sens. Il déclare (p. 52): « Un chien est aussi intelligent qu'un homme, un infusoire aussi intelligent qu'un chien, une molécule aussi intelligente qu'un infusoire ». « Seulement, par « intelligent » nous entendons trop souvent, (we foolishly mean) non un être qui s'entend à ses propres affaires mais un être qui pourrait comprendre les nôtres, et, dont nous pourrions nous-mêmes comprendre les affaires ».

Les Gnostiques de Princeton insistent précisément sur le fait que les molécules ou les infusoires « s'entendent beaucoup mieux à leurs propres affaires » que la plupart des êtres humains, exception faite pour ceux ayant atteint l'équilibre et la sagesse, c'est à dire ceux qui ne se prennent plus pour « sujets égoïstes ».

Nous lisons ce passage à la fois magistral et très important (p. 53) : « On se demande quels procédés typographiques ou quels battements de tambour souligneraient suffisamment ici que la thèse de l'universalité de l'intelligence doit être prise à la lettre, et qu'elle s'oppose à l'idée radicalement fausse, si répandue chez les panpsychistes, les pseudo-spiritualistes, les pseudo-Gnostiques, d'un psychisme inférieur, vague, affaibli, évanescent, à mesure qu'on s'éloigne de l'intelligence humaine vers les formes inférieures de la vie ».

« La conscience intelligence d'un Infusoire, d'un végétal, d'une macromolécule, il n'y a pas la moindre raison de la considérer comme plus vague, plus confuse que l'Intelligence d'un technicien aux prises avec un problème technique. Au contraire plutôt. L'infusoire ou la molécule travaille sur les données de ses propres édifices moléculaires ou atomiques, sur les parties présentes de son champ d'auto-vision ».

Pour les Gnostiques, dont la majorité sont des physiciens, — rappelons-le — ce « champ d'auto-vision dans son unité » est l'expression directe de la Conscience Cosmique formant l'essence ultime du monde matériel. En conséquence Raymond RUYER écrit (p. 54) : « Ce domaine d'auto-vision dans son unité fait jouer intelligemment ces données selon des règles et des besoins « bien définis ». Tandis que souvent le technicien humain n'a pas devant lui un problème bien posé et patauge, s'égare, par l'effet de mauvais schémas cérébraux ».

Les mauvais schémas cérébraux évoqués ici par les Gnostiques correspondent aux « fausses valeurs », aux « confections mentales inadéquates » dont parlent les Maîtres de l'Eveil dans le Bouddhisme Ch'an de la Voie Abrupte. L'hyper-intellectualité intoxique et paralyse véritablement le fonctionnement normal de l'esprit humain. La prolifération véritablement cancéreuse des spéculations intellectuelles et la densité des informations sont dénoncées comme de véritables poisons par les Gnostiques qui, à ce point de vue, rencontrent Krishnamurti.

Raymond RUYER n'hésite pas à déclarer avec sévérité et humour à ce propos (p. 189): « Les intoxications cérébrales par l'instruction sont pour eux bien plus graves que les intoxications par les sous-produits de l'industrie. Les encombrements d'informations, plus graves que les encombrements de machines et d'ustensiles. Les indigestions de signes, plus graves que les intoxications alimentaires. »

« Le fléau de l'imprimerie disent-ils (les Gnostiques) serait encore pire s'il n'était corrigé par cette invention artisanale : la corbeille à papier ».



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Parmi ces informations innombrables égarant et intoxiquant l'esprit humain se situent des « courants de pensée » à la mode, auxquelles les foules donnent leur adhésion, soit par snobisme intellectuel, soit par esprit d'imitation mais rarement par méditation ou réflexion approfondie.

Parmi ces courants de pensée à la mode, où qui furent à la mode, les Gnostiques de Princeton dénoncent assez sévèrement Wilhelm REICH et Herbert MARCUSE dans leur vision très limitée et superficielle, très anthropocentrique de l'être humain.

Les Gnostiques se présentent comme « cosmocentristes » ou plus exactement « théocentristes » et, ce, conformément aux enseignements que leur dicte directement l'évolution des sciences. Pour eux, trois fléaux menacent le monde moderne, en Amérique surtout : d'abord, l'anthropologie abusive tendant à déifier l'homme outre mesure et, indirectement sous-estimer ou mépriser la Nature ; ensuite, les formes dégradées du « Bouddhisme Zen de Bazar » que Krishnamurti et nous-mêmes n'avons jamais cessé de dénoncer mais peut-être pas avec assez de sévérité. Que ce soient les formes dégénérées du « Zen de la drogue » vécu par des centaines de milliers de hippies aux U.S.A. ou ailleurs, que ce soient les rites et les postures auxquels le Soto Zen prétend concentrer toute la doctrine, nous assistons là aux trahisons évidentes des enseignements des Maîtres du Bouddhisme Ch'an de la Voie Abrupte. (Shen-Houei - 668-760 ou Hui-Hai - 814 - Chine).

Critiquant ces formes de « Bouddhisme Zen de Bazar », Raymond RUYER écrit (p. 198) : « Il prétend remplacer les œuvres par des gestes insignifiants quelconque, mais censés révélateurs par leur insignifiance même de l'Absolu, au delà de sens. » « Les cures de simplicité gnostiques n'ont rien de commun avec ces poses ».

Nous ne partagerons cependant pas l'opinion de Raymond RUYER lorsqu’il écrit (p. 198) : « Le Bouddhisme Zen, dans l'art n'a pas grande importance ». On ne peut sous-estimer la splendeur de la peinture japonaise dont le Zen, même déformé a été l'incontestable source d'inspiration.

Le troisième fléau que nous avons constamment dénoncé nous-même est constitué par les abus de la psychanalyse et leurs extensions ou applications, telles les farces habilement exploitées de la fameuse « dianétique ou scientologie » de L.R. HUBBARD et les « dynamiques de groupe ». Le professeur Raymond RUYER écrit à ce propos : « Quand on sait quel épouvantable fléau, quelle autre « peste noire » a été la vulgarisation de la psychanalyse en Amérique, on ne peut qu'approuver les Gnostiques dans leur tentative de « psycho-synthèse ». « La psychanalyse, particulièrement chez les universitaires et pédagogues, est devenue, avec l'anthropologie intempérante, une entreprise démagogique de dissolution et de liquéfaction ».

Les Gnostique dénoncent également l'anthropomorphisme des chrétiens. « Comme Gnostiques, nous ne sommes pas « Christiens » déclare Raymond RUYER (p. 17). Parlant de l'Eglise catholique, il écrit (p. 17) : « Étant chrétienne en titre, elle oblige nécessairement ses adeptes à des contorsions mentales pour donner à Jésus une place centrale dans le Cosmos. Car évidemment, sans le nom propre de Jésus Christ, l'Eglise Chrétienne est « innommable et inexistante ». C'est Jésus qui est mort, comme des milliards d'hommes et des milliards de milliards d'êtres dans des millions de galaxies ». Ce n'est pas Dieu. Nous détestons ces « filtrages de moucherons » et ces « avalages de chameaux ».

Dénonçant la position presqu'infantile des teilhardiens face à l'immensité dés-anthropomorphisée du Cosmos, Raymond RUYER déclare : « Le Jésus, « agent cosmique » de Teilhard de Chardin paraît de l'absurdité pure aux Nouveaux Gnostiques. Ils font remarquer que le simien qui s'est redressé sur ses pattes a joué, dans l'évolution de la vie et de l'esprit, un rôle beaucoup plus important que Jésus. Les Gnostiques, relativement aux Eglises, ont curieusement une attitude cynique de même que relativement aux Etats » (p. 17)



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Comment situer dès lors l'attitude des Gnostiques face au problème religieux, à l'attitude religieuse ?

Ils se présenteraient comme vivant une religion naturelle par la « reliance », par la « participation directe » à l'Endroit de l'Univers c.-à-d. à la Conscience Cosmique divine.

Mais ainsi que l'exprime Raymond RUYER: « La sobriété de la Nouvelle Gnose est même telle qu'on pourrait plutôt lui reprocher d'être peu discernable du pur scientisme et d'étouffer, autant que lui, toute résonnance religieuse » (p. 295). « Il semble néanmoins que la Nouvelle Gnose, en transposant l'Univers de la science, en le mettant à l'endroit, le transfigure... C'est le même, et pourtant c'est un autre. Il n'est plus cette absurde machine à mouvement perpétuel... »

« L'univers de la Gnose ne diffère par aucun détail de l'Univers de la science. Mais il y a entre les deux univers la même différence qu'entre un être vivant et aimé et le robot qui l'imiterait parfaitement mais dont nous saurions qu'il ne sent rien ».

« La transposition devient transfiguration quand la Nouvelle Gnose ajoute qu'une telle apparition apparemment retardée, de l'Esprit dans l'Espace et le Temps, est la preuve, non que la matière soit primaire et essentielle, mais au contraire la preuve qu'il y a un au-delà de l'Espace et du Temps, un « je » ou un « Soi » absolu, pour qui il n'y a ni « ailleurs » ni avant-après.

Pour les Gnostiques, c'est à ce niveau et nulle part ailleurs que se trouve l'essentiel ; le seul et unique SUJET, éternellement présent revêtu dès lors d'un caractère d'incomparable importance. Par contraste au caractère de priorité que revêt cette Réalité fondamentale, nos « ego » interviennent à titre second et dérivé. Leur importance est secondaire, mais ceci ne signifie pas qu'ils n'ont pas de sens et qu'une telle existence conduise à un nihilisme destructeur et négatif. Au contraire, Raymond RUYER exprime ce qui vient d'être dit en d'autres termes lorsqu'il écrit (p. 26): « On ne peut dire que notre vie n'a pas de sens. Mais elle n'a sûrement aucune importance. Il ne faut pas confondre le sens et l'importance. Pouvoir dire « autant en emporte le vent » sans amertume et même avec un optimisme cosmique et un sentiment océanique est un pas décisif vers la sagesse ».

Si, vraiment nous avons compris, senti et vécu la place de priorité qu'occupe l'Endroit unique de l'Univers par rapport à l'envers, à nos « ego » pleins de fausses identifications mentales, la vision cosmique est hautement optimiste, extatique même.

Loin d'être anéantissement négatif au sein d'un « en-soi » uniforme, amorphe, le dépassement de soi est l'état créateur par excellence. Tel est le signe distinctif de l'humain accompli. Le sentiment « océanique » évoqué par les Gnostiques se trouve depuis les millénaires enseigné par les anciens Maîtres de l'Advaïta indien ou du Bouddhisme Ch'an chinois. Ceux-ci désignaient cette expérience fondamentale par une expression très suggestive par sa simplicité et sa profondeur : dans la vision « océanique » on « retourne chez soi ».

Telle est la nature de la merveilleuse surprise qui attend tous ceux qui ont compris que la vraie, la seule pratique consiste à vivre complètement non, selon l'envers d'eux-même et des choses mais selon l'Endroit, non selon les apparences et les mirages d'un rêve collectif mais selon la Réalité.

Robert LINSSEN.  


PENSÉES DE J. KRISHNAMURTI

Un cœur sans amour est semblable à une rivière qui n'a plus d'eau pour abreuver ses rives.


La fleur donne son parfum à celui qui la vénère comme à celui qui l'écrase. Tel est le climat du suprême Amour.


Aimer la multitude à travers une seule personne est source de souffrances. Mais adorer l'UN dans la multitude est félicité.

(J. Krishnamurti, 1929-30)


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