Wiki Krishnamurti
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Patrick Rambaud

KRISHNAMURTI (JIDDU)

Le siècle rebelle (Emmanuel de Waresquiel) © Edition Larousse (1999).


Philosophe indien, né à Madanapalle (Inde) en 1895,
mort à Ojaï (États-Unis) en 1986.

PENSEUR, Krishnamurti réprouve la pensée; religieux, il rejette les religions; philosophe, il condamne les systèmes. Il eut des dizaines de milliers de disciples, lui qui n'en voulait aucun. Toute sa vie, dans le monde entier et devant des auditoires nombreux, il a proclamé que nous pouvions changer de mentalité et de vie à l'instant.

Il était né dans le Sud de l'Inde, à la montagne, près de Bangalore, d'une famille de brahmanes végétariens et stricts.

Le jour de sa naissance, un astrologue lui prédit un avenir brillant, mais ses premières années l'y préparèrent assez peu.

À deux ans, il attrape la malaria, manque d'en mourir, et sera malade tout au long de sa longue existence: atroces migraines, mal au dos et à l'estomac, fièvres, troubles des reins, hernies, diabète… C'était un enfant malingre, qui se passionnait pour la mécanique et passait à l'école pour un parfait Idiot. Il n'avait que son regard. Par un hasard du voisinage, des dignitaires de la Société théosophique le remarquent et devinent en lui un futur messie. Cette Société créée par une mystique russe et un officier spirite de la guerre de Sécession, aux États-Unis, donnait des conférences partout dans le monde. Longtemps traîné d'un pays à l'autre par ces théosophes, exhibé comme l'Instructeur mondial, Krishnamurti décide de rompre un jour de 1929, devant deux mille adeptes réunis pour l'entendre: Je maintiens que la Vérité est un pays sans chemin et que vous ne pouvez l'approcher par une voie quelle qu'elle soit, ni aucune religion, aucune secte… »

Dès lors, il va courir le monde pour y donner des causeries dont l'essentiel a été publié. Que dit-il? Débarrassons-nous des systèmes, des symboles, des Idéaux qui nous encombrent. Nous sommes le résultat des pensées et des influences des autres, nous sommes conditionnés par les religions, la politique, la mémoire, le passé, l'ambition, la compétition, et cela nous détruit. Le savoir n'est qu'une accumulation de passé, rien de neuf, rien de vif, et la compréhension des choses ne vient que si le savoir se tait, si l'esprit reste Immobile. Pourquoi avez-vous besoin de connaître le nom de cet arbre, quand vous le regardez? Nous sommes encombrés. Que l'observateur et l'observé se fondent. Dès que la volonté intervient, elle crée un conflit. Vous dites que vous êtes pacifiste? C'est encore une violence et mieux vaut être pacifique. Il faut se libérer du passé, du temps, de la mémoire, du connu, voir par soi-même et sans préparation. L'esprit, qui invente les problèmes, ne peut les résoudre: qu'il y ait un but, un résultat à obtenir, et voilà qu'arrivent les inévitables conflits.

Les causeries de Krishnamurti commencent presque toutes par une image naturelle et paisible, les voiles d'une péniche qui se découpent sur des palmiers, le parfum d'un bois d'orangers, deux martins-pêcheurs au ras de l'eau, le son d'une flûte au bout de la plantation. Puis quelqu'un pose une question, sur la beauté, la sincérité, les croyances, le silence, la colère, n'importe quoi, et Krishnamurti y répond par une nouvelle question, comme cela se pratique en Inde.

De question en question, le problème posé se déplace et s'éclaire, sans que jamais Krishnamurti impose une réponse toute faite. Une solution peut parfois sortir de ce jeu verbal.

Par exemple, une dame vient le voir et lui explique qu'elle a toujours analysé ses pensées et ses sentiments.

« Pourquoi? demande Krishnamurti. — Je ne sais pas trop, répond la dame. — Pour vous protéger de vos émotions? — Peut-être. Je ne veux pas me laisser prendre par elles, je veux me tenir à l'écart. — Vous y parvenez? — Je ne crois pas… — Vous vous défendez, madame. On ne se défend que lorsqu'on a peur. De quoi avez-vous peur? — Mais je n'ai pas peur! se récrie la dame. Je veux surtout éviter les complications. — Si Vous n'avez pas peur, pourquoi voulez-vous rester à l'écart des complications de l'existence? De quoi avez-vous peur? — Qu'entendez-vous par peur? » demande alors la dame, troublée.

Et Krishnamurti développe: c'est l’esprit qui fabrique la peur, et lorsqu'il l'analyse pour s'en libérer, il l'augmente. Résister à la confusion augmente la confusion. Nos attitudes apprises faussent tout. Ce sont des postures, des déguisements, des distractions. L'essentiel est ailleurs.

Il faut d'abord comprendre, voir sans a priori et sans références, sans raisonner. Ainsi Krishnamurti parlait-il de tout, avec une voix douce que l'on devine encore dans ses livres.

Ses Carnets, les trois tomes de ses Commentaires sur la vie ou la Révolution du silence le prolongent et tentent de nous rendre moins niais; vivants.

Patrick RAMBAUD.


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