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SOMMAIRE

La relation

Mars

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TOUTE RELATION EST UN MIROIR

DE toute évidence, ce n'est que dans la relation que se révèle le mécanisme de ce que je suis — ne croyez-vous pas ? Toute relation est un miroir dans lequel je me vois tel que je suis; mais comme nous n'aimons généralement guère ce que nous sommes, nous commençons à réformer, dans un sens positif ou négatif, ce que nous percevons dans le miroir de la relation. Par exemple, je découvre, dans une relation, dans la façon dont elle se déroule, quelque chose qui ne me plaît pas. Alors je commence à changer ce que je n'aime pas, ce qui m'apparaît déplaisant. Je veux le modifier — ce qui signifie que je me suis déjà forgé un modèle de ce que je devrais être. Dès l'instant où il y a un schéma préétabli de ce que je devrais être, il n'y a plus aucune compréhension de ce que je suis. Dès que j'ai une image de ce que je veux être, ou de ce que je devrais être, ou ne pas être — une norme selon laquelle je veux me modifier — alors, assurément, toute compréhension de ce que je suis au moment de la relation devient impossible.

Je crois qu'il est vraiment important de comprendre cela, car je crois que c'est là que nous faisons le plus souvent fausse route. Nous ne voulons pas savoir ce que nous sommes réellement à un point donné de la relation. Si notre seule préoccupation est le perfectionnement du moi, cela exclut toute compréhension de nous-mêmes, de ce qui est.

La relation

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LA FONCTION DE LA RELATION

TOUTE relation est inévitablement douloureuse, ce dont notre existence quotidienne donne ample témoignage. Une relation où n'entre aucune tension cesse d'en être une, elle n'est plus qu'une drogue, un soporifique qui endort confortablement — et c'est ce qui convient le mieux à la plupart d'entre nous. Il y a conflit entre ce désir intense de réconfort et la situation effective, entre l'illusion et le fait. Si vous reconnaissez l'illusion, alors vous pouvez, en la dissipant, consacrer toute votre attention à la compréhension de la relation. Mais si vous recherchez la sécurité dans la relation, celle-ci devient un investissement de confort, un capital d'illusion — alors que c'est l'absence même de sécurité de toute relation qui en fait la grandeur. En recherchant une sécurité dans la relation, c'est la fonction même de la relation que vous entravez — attitude qui a ses propres conséquences et engendre ses propres malheurs.

Il ne fait aucun doute que la fonction de toute relation est de révéler l'état de notre moi tout entier. La relation est un processus de révélation et de connaissance de soi. Ce dévoilement de soi est douloureux, il exige des ajustements constants, une souplesse permanente de notre système intellectuel et émotionnel. C'est une lutte difficile, avec des périodes de paix lumineuse...

Mais en général nous cherchons à éviter ou éliminer la tension dans la relation, lui préférant la facilité et le confort d'une dépendance béate, d'une sécurité incontestée, d'un havre sûr. Alors la famille et les autres relations deviennent un refuge, le refuge des êtres inconséquents.

Dès que l'insécurité s'insinue au cœur de la dépendance, comme c'est inévitablement le cas, alors on laisse tomber la relation pour en nouer une autre, dans l'espoir d'y trouver une sécurité durable; mais il n'existe de sécurité dans aucune relation, et la dépendance n'engendre que la peur. Si l'on ne comprend pas ce processus de sécurité et de peur, la relation devient une entrave, un piège, une forme d'ignorance. Toute l'existence n'est alors que lutte et souffrance, et il n'y a pas d'issue, si ce n'est dans la pensée juste, qui est le fruit de la connaissance de soi.

La relation

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COMMENT PEUT-IL Y AVOIR AMOUR VÉRITABLE ?

L'IMAGE que vous avez d'une personne, celle que vous avez de vos hommes politiques, du Premier ministre, de votre dieu, de votre femme, de vos enfants — c'est cette image qui est ici l'objet de notre regard. Or cette image est le fruit de toutes vos relations, de toutes vos peurs, de tous vos espoirs. Les plaisirs — sexuels ou autres — que vous avez connus avec votre femme, votre mari, la colère, les flatteries, le réconfort, et tout ce que vous apporte la vie de famille — vie ô combien mortifère — ont créé l'image que vous vous faites de votre femme, de votre mari. C'est avec cette image que vous regardez. De même, votre femme ou votre mari a sa propre image de vous. Donc, la relation entre vous et votre femme, entre vous et votre mari, entre vous et l'homme politique est en réalité une relation entre deux images. N'est-ce pas exact ? Si, c'est un fait. Comment deux images, qui sont le résultat de la pensée, du plaisir et ainsi de suite, peuvent-elles avoir de l'affection ou de l'amour ?

Toute relation entre deux individus, qu'ils soient très proches ou très éloignés l'un de l'autre, est donc une relation entre des images, des symboles, des souvenirs. Comment peut-il y avoir là amour véritable ?

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NOUS SOMMES CE QUE NOUS POSSÉDONS

POUR comprendre la relation, il faut avoir des choses une conscience passive, qui ne détruise pas la relation, mais qui, au contraire, lui insuffle un surcroît de vitalité et de sens. Il y a alors dans cette relation une possibilité d'affection réelle, une chaleur, une proximité, et il ne s'agit pas d'un simple sentiment, ni d'une simple sensation. Et si nous pouvons aborder ainsi toute chose, avoir avec toute chose cette même relation, alors nos problèmes — de propriété, de possession — se résoudront aisément. Car nous sommes ce que nous possédons. Celui qui possède de l'argent est l'argent. Celui qui s'identifie à sa propriété est la propriété, la maison, ou le mobilier. Il en va de même avec les idées ou les personnes : lorsqu'il y a possessivité, il n'y a pas relation. Mais, dans la plupart des cas, nous possédons parce que, sans cela, nous sommes totalement démunis. Nous sommes une coquille vide si nous ne possédons pas, si nous ne remplissons pas notre existence de meubles, de musique, de connaissances, de ceci ou cela. Cette coquille fait beaucoup de bruit, et c'est ce bruit que nous appelons la vie; et nous nous contentons de cela. Et lorsqu'il se produit une cassure, quand tout cela se brise, alors vient la souffrance, parce que vous vous découvrez soudain tel que vous êtes — une coquille vide qui ne veut plus dire grand'chose. Donc, être conscient de tout le contenu de la relation, c'est cela, l'action, et à partir de cette action une véritable relation devient possible, et il devient possible d'en découvrir la profondeur, la signification immenses — et de savoir ce qu'est l'amour.

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ÊTRE EN RELATION

SANS relation, point d'existence : être, c'est être relié... Il semble qu'en général nous ne comprenions pas que le monde, c'est ma relation à l'autre, que l'autre soit un ou multiple. Mon problème est celui de la relation. Ce que je suis, je le projette — et, bien sûr, si je ne me comprends pas moi-même, tout mon cercle relationnel n'est qu'un cercle de confusion qui va s'élargissant. La relation prend donc une extrême importance — non les rapports qui touchent les soi-disant masses, la foule, mais ceux qui se nouent dans le cercle familial et amical, si petit soit-il —, ma relation avec ma femme, mes enfants, mon voisin. Dans un univers où pullulent de vastes organisations, de vastes mobilisations de foules et des mouvements de masse, nous craignons d'agir à une échelle réduite, nous avons peur d'être des nains défrichant leur minuscule parcelle de terrain. Nous nous disons; « Que puis-je faire à titre personnel ? Je dois absolument m'enrôler dans un mouvement de masse afin de faire des réformes. » Au contraire, la vraie révolution ne se fait pas par l'intermédiaire des mouvements de masse mais grâce à une réévaluation interne de nos relations — c'est uniquement là qu'est la vraie réforme, la révolution radicale et permanente. Nous avons peur de commencer à un niveau modeste. Le problème étant tellement vaste, nous croyons ne pouvoir l'affronter qu'avec d'immenses groupes, de grandes organisations, des mouvements de masse. Or il ne fait aucun doute que nous devons attaquer le problème au niveau le plus élémentaire, et le niveau élémentaire c'est le « vous » et le « moi ». Lorsque je me comprends, je vous comprends, et de cette compréhension naît l'amour. L'amour est le facteur manquant : nos relations manquent d'affection, de chaleur humaine; et parce cet amour, cette tendresse, cette générosité, cette compassion sont absents de nos relations, nous fuyons dans l'action de masse, avec pour résultat toujours plus de confusion et de détresse. Nous avons le cœur rempli de plans de réformes mondiales, au lieu de nous tourner vers l'unique élément de solution — l'amour.

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LE PROBLÈME, C'EST VOUS ET MOI

LE monde n'est pas quelque chose en dehors de vous et de moi : le monde, la société, sont les relations que nous établissons, ou que nous essayons d'établir entre nous. Ainsi le problème n'est autre que vous et moi, et non le monde, car le monde est la projection de nous-mêmes, et pour le comprendre nous devons nous comprendre. Il n'est pas isolé de nous : nous sommes le monde, et nos problèmes sont les siens.

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VIVRE SEUL, CELA N'EXISTE PAS

NOUS voulons fuir notre solitude et ses peurs paniques, c'est pourquoi nous dépendons des autres, nous tirons profit de leur compagnie, et ainsi de suite. Nous sommes maîtres d'un jeu dont les autres deviennent les pions, et quand le pion change de rôle et exige à son tour, nous sommes choqués et peinés. Si notre forteresse est solide, sans le moindre point faible, ces attaques extérieures sont pour nous sans grande conséquence. Les tendances particulières qui se font jour à mesure que l'on avance en âge doivent être comprises et corrigées tant que nous sommes encore capables de nous étudier et de nous observer avec détachement et tolérance; c'est maintenant qu'il faut observer et comprendre nos peurs. Il faut tendre toutes nos énergies non seulement vers la compréhension des pressions et des demandes extérieures dont nous sommes responsables, mais vers la compréhension de nous-mêmes, de notre solitude, de nos peurs, de nos demandes et de nos fragilités.

Vivre seul, cela n'existe pas, car vivre c'est toujours être en relation; mais vivre sans avoir de relations directes requiert une grande intelligence, une conscience plus vive, plus vaste, au service de la connaissance de soi. Une existence « solitaire », s'il y manque cette conscience aiguë et fluide, renforce les tendances déjà dominantes, et provoque un déséquilibre, une distorsion. C'est maintenant qu'il faut prendre conscience du jeu et des habitudes particulières de notre système de « pensée-perception » qui accompagnent le vieillissement, et c'est en les comprenant que nous nous en défaisons. Seules les richesses intérieures apportent la paix et la joie.

 


 

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