Wiki Krishnamurti
Advertisement
SOMMAIRE

La connaissance de soi

Janvier

23

LA CONNAISSANCE DE SOI EST UN PROCESSUS

AINSI, pour comprendre les innombrables problèmes auxquels est confronté chacun d'entre nous, n'est-il pas essentiel de se connaître soi-même ? La connaissance de soi — qui ne signifie pas que l'on s'isole, que l'on reste à l'écart — est l'une des choses au monde les plus difficiles. De toute évidence, il est fondamental de se connaître soi-même, mais cela ne suppose nullement de se tenir à l'écart de toute relation. Et ce serait assurément une erreur de penser que l'on puisse se connaître de manière significative, pleine et entière, en s'isolant, en s'excluant, ou en s'adressant à quelque psychologue ou à quelque prêtre; ou de croire que la connaissance de soi puisse s'apprendre dans un livre. Cette connaissance est bien sûr un processus, pas une fin en soi, et pour se connaître, il faut être conscient de ce que l'on est dans ses actions mêmes — c'est-à-dire dans ses relations. Ce n'est ni dans l'isolement ni dans le repli que l'on découvre sa vraie nature, mais dans les liens de relation — ceux qu'on a avec la société, avec sa femme, son mari ou son frère, avec l'humanité. Mais pour connaître ses propres réactions, ses propres réflexes, il faut faire preuve d'une vigilance d'esprit, d'une acuité de perception hors du commun.

La connaissance de soi

Janvier

24

UN ESPRIT LIBRE DE TOUTE ENTRAVE

SE transformer soi-même, c'est transformer le monde, parce que le moi est à la fois le produit et une partie intégrante du processus total de l'existence humaine. Pour se transformer, la connaissance de soi est essentielle; si vous ne vous connaissez pas, votre pensée n'a pas de base. Il faut se connaître tel que l'on est, et non tel que l'on désire être; l'on ne peut transformer que ce qui est, tandis que ce que l'on voudrait être n'est qu'un idéal, une fiction, une irréalité. Mais se connaître tel que l'on est exige une extraordinaire rapidité de pensée, car ce qui est subit de perpétuels changements et, si l'esprit veut adhérer à cette course, il ne doit évidemment pas commencer par s'attacher, par se fixer à un dogme ou à une croyance. Pour vous connaître, il vous faut avoir l'agilité d'un esprit libéré de toutes les croyances, de toutes les idéalisations, lesquelles pervertissent la projection en projetant sur elle leurs colorations particulières. Si vous voulez vous connaître tel que vous êtes, n'essayez pas d'imaginer ce que vous n'êtes pas : si je suis avide, envieux, violent, mon idéal de non-violence aura bien peu de valeur… La compréhension déformée de ce que vous êtes — laid ou beau, malfaisant, ou élément de désordre — est le commencement de la vertu. La vertu est essentielle, car elle confère la liberté.

La connaissance de soi

Janvier

25

LA CONNAISSANCE DE SOI PASSE PAR L'ACTION

SANS la connaissance de soi, l'expérience engendre l'illusion; avec la connaissance de soi, l'expérience, qui est la réponse face à un défi, ne laisse pas derrière elle ces sédiments accumulés que sont les souvenirs. La connaissance de soi est la découverte, d'instant en instant, du mécanisme de l'ego, de ses intentions et de ses visées, de ses pensées et de ses appétits. Jamais il ne peut y avoir d'un côté « votre expérience » et de l'autre « mon expérience »; l'expression même de « mon expérience » prouve l'ignorance et l'acceptation de l'illusion.

La connaissance de soi

Janvier

26

LA CRÉATIVITÉ PASSE PAR LA CONNAISSANCE DE SOI

IL n'y a donc pas de méthode pour se connaître soi-même. la recherche d'une méthode implique invariablement le désir d'aboutir à un certain résultat — c'est cela que nous voulons tous : nous nous soumettons à l'autorité d'une personne, d'un système ou d'une idéologie —, nous désirons obtenir un résultat qui nous fasse plaisir et qui nous apporte la sécurité. En vérité, nous ne voulons pas nous connaître, comprendre nos impulsions, nos réactions, tout le processus conscient et inconscient de notre pensée; nous préférons adopter un système qui nous garantisse un résultat. Cette poursuite est invariablement engendrée par notre désir de trouver une sécurité, une certitude, et le résultat n'est évidemment pas la connaissance de soi. Une méthode implique l'autorité d'un sage, d'un gourou, d'un Sauveur, d'un Maître — qui se portent garants de la satisfaction de nos attentes; mais cette voie n'est pas celle de la connaissance de soi.

L'autorité, au contraire, nous empêche de nous connaître. Sous l'égide d'un guide spirituel nous pouvons éprouver temporairement un sens de sécurité et de bien-être, mais qui n'est pas la connaissance du processus total de nous-mêmes. L'autorité, de par sa nature, nous empêche d'être lucides quant à notre être intérieur et détruit de ce fait la liberté, la liberté en dehors de laquelle il n'y a pas de création. L'état créateur n'existe qu'en la connaissance de soi.

La connaissance de soi

Janvier

27

UN ESPRIT SILENCIEUX ET SIMPLE

LORSQUE nous avons conscience de ce que nous sommes, tout le mouvement de la vie n'est-il pas une voie vers la découverte du « moi », de l'ego, de notre être profond ? L'ego est un processus très complexe qui ne peut se découvrir que dans les rapports de relation, dans nos activités quotidiennes, notre façon de nous exprimer, de juger, de calculer, de condamner les autres et nous-mêmes. Tout cela est révélateur de l'état conditionné de notre pensée, il est donc important d'être conscient de tout ce processus, ne croyez-vous pas ? Ce n'est qu'en prenant conscience seconde par seconde de ce qui est vrai qu'a lieu la découverte de cette réalité hors du temps, éternelle. Sans la connaissance de soi, l'éternel ne peut être. En l'absence de cette connaissance de nous-mêmes, l'éternel se réduit à un simple mot, à un symbole, une spéculation, un dogme, une croyance, une illusion dans laquelle l'esprit peut trouver une échappatoire. Mais si l'on commence à comprendre le « moi » dans toutes ses activités, jour après jour, alors grâce à cela, et sans qu'aucun effort soit nécessaire, survient l'indicible, l'intemporel, l'éternel. Mais l'intemporel n'est pas la récompense qui viendrait couronner la connaissance de soi. Ce qui est éternel ne peut faire l'objet d'aucune quête; l'esprit ne peut pas l'acquérir. Il survient lorsque l'esprit est silencieux et tranquille, et il ne peut l'être que s'il est simple, s'il a cessé d'emmagasiner, de condamner, de juger, de peser. Seul un esprit simple est apte à comprendre le réel, mais s'il est empli de mots, de connaissances, d'informations, il en est incapable. L'esprit qui analyse, qui calcule, n'est pas un esprit simple.

La connaissance de soi

Janvier

28

CONNAIS-TOI TOI-MÊME

SI l'on ne se connaît pas soi-même, quoi qu'on fasse, il ne peut y avoir d'état de méditation. J'entends par « connaissance de soi » celle de chaque pensée, de chaque état d'âme, de chaque sentiment — et non la connaissance de l'être suprême, de l'entité supérieure, qui n'existe pas; car l'être supérieur, l'atma, fait toujours partie intégrante de la pensée, qui est le résultat de votre conditionnement, la réponse de votre mémoire — immédiate ou ancestrale. Et vouloir méditer sans instaurer d'abord, de manière profonde, irrévocable, cette vertu qui naît de la connaissance de soi, est une démarche tout à fait fallacieuse et parfaitement inutile.

Je vous en prie : il est essentiel pour ceux dont la démarche est sérieuse de comprendre cela. Parce que, sinon, il y aura divorce, fracture entre votre méditation et votre vie réelle — une fracture si profonde que même si vous méditez et pratiquez sans fin des postures, toute votre vie durant, vous ne verrez jamais plus loin que le bout de votre nez; vos postures et tout ce que vous pourrez faire seront dénués de toute signification.

… Il est essentiel de comprendre ce qu'est cette connaissance de soi : c'est simplement prendre conscience — sans la moindre notion de choix — du « moi » qui a sa source dans un paquet de souvenirs — en avoir simplement conscience, sans interprétation, en observant simplement le mouvement de l'esprit. Mais cette observation est bloquée quand on ne cesse, à force d'observation, d'accumuler des notions — ce qu'il faut faire ou ne pas faire, ce qu'il faut réussir; en agissant de la sorte on met fin à ce processus vivant du mouvement de l'esprit qui constitue le moi. Autrement dit, ce que je dois observer et regarder, c'est le fait réel, la réalité brute, ce qui est. Si je l'aborde avec une idée préconçue, avec une opinion — du type « je dois » ou « il ne faut pas », qui sont des échos de la mémoire —, alors le mouvement de ce qui est se trouve gêné, bloqué; et dans ce cas on n'apprend rien.

La connaissance de soi

Janvier

29

LA VACUITÉ CRÉATRICE

NE pouvez-vous écouter tout simplement, comme la terre s'ouvre à la graine, et voir si l'esprit est capable d'être libre, vide ? Il ne peut être vide que s'il comprend l'ensemble de ses projections, de ses activités, et s'il les observe non pas de temps en temps mais jour après jour, seconde après seconde. Alors vous aurez la réponse, alors vous verrez que le changement vient sans qu'on le sollicite, que l'état de vacuité créatrice ne se cultive pas — il est là, il survient, sans qu'on l'y invite, dans le secret et le mystère, et ce n'est que dans cet état que deviennent possibles le renouveau, la nouveauté, la révolution.

La connaissance de soi

Janvier

30

LA CONNAISSANCE DE SOI

LA pensée juste va de pair avec la connaissance de soi. sans elle, votre pensée n'a aucune base, sans elle, ce que vous pensez n'est pas vrai.

Vous et le monde n'êtes pas deux entités séparées, avec des problèmes distincts. Vos problèmes et ceux du monde ne font qu'un. Vous pouvez être le produit de certaines tendances, de certaines influences liées au milieu, vous n'êtes cependant pas fondamentalement différents les uns des autres. Sur le plan intérieur, nous avons quantité de ressemblances; nous sommes tous mus par l'avidité, la malveillance, la peur, l'ambition et ainsi de suite. Nos croyances, nos espoirs, nos aspirations ont une base commune. Nous ne faisons qu'un; nous ne formons qu'une seule et même humanité, en dépit des frontières artificielles de l'économie, de la politique et des préjugés, qui nous divisent. Si vous tuez quelqu'un, c'est vous-même que vous détruisez. Vous êtes le centre de ce tout et si vous ne vous comprenez pas vous-même, vous ne pouvez comprendre la réalité.

Nous avons de cette unité une connaissance intellectuelle, mais nous gardons nos connaissances et nos sentiments dans des compartiments étanches, et voilà pourquoi nous ne faisons jamais l'expérience réelle de cette extraordinaire unité du genre humain.

La connaissance de soi

Janvier

31

TOUTE RELATION EST UN MIROIR

LA connaissance de soi ne dépend pas d'une quelconque formule. peut-être cherchez-vous à vous connaître grâce à l'aide d'un psychologue ou d'un psychanalyste; mais cela n'a rien à voir avec la connaissance de soi. Celle-ci survient lorsque nous prenons conscience de nous-même dans la relation, révélatrice de ce que nous sommes, seconde après seconde. Toute relation est un miroir dans lequel nous nous voyons tels que nous sommes vraiment. Or nous sommes pour la plupart incapables de nous regarder en face tels que la relation nous révèle, parce que nous nous mettons immédiatement à condamner ou à justifier ce que nous constatons. Nous jugeons, nous évaluons, nous comparons, nous nions ou nous admettons, mais jamais nous n'observons vraiment ce qui est : apparemment, c'est ce qu'il y a de plus difficile pour la plupart des gens; et pourtant c'est par là, et par là seulement, que passe le commencement de la connaissance de soi. Si l'on peut se voir tel qu'on est dans le miroir que nous tend toute relation, et qui nous renvoie une image fidèle, si l'on peut simplement plonger dans ce miroir un regard totalement attentif, et voir réellement ce qui est, en être conscient, mais sans condamnation, jugement ni évaluation — en agissant comme lorsqu'on est animé par un intérêt passionné —, alors on s'apercevra que l'esprit est capable de se libérer de tout conditionnement; ce n'est qu'alors qu'il est libre de découvrir ce qui est au-delà du champ de la pensée.

En définitive, l'esprit, si érudit ou mesquin qu'il soit, est limité, conditionné, tant au niveau conscient qu'inconscient, et toute extension de ce conditionnement reste toujours à l'intérieur des limites du champ de la pensée. La liberté, c'est donc tout autre chose.


Préc | Haut | Suiv


Advertisement