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SOMMAIRE

L'attachement

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LA CULTURE DU DÉTACHEMENT

LE détachement n'existe pas : seul existe l'attachement. L'esprit invente le détachement par réaction face à la douleur de l'attachement. Lorsque vous réagissez à l'attachement en devenant « détaché », c'est que vous êtes attaché à quelque chose d'autre. Tout ce processus est donc celui de l'attachement. Vous tenez à votre femme ou à votre mari, à vos enfants, à des idées, à la tradition, à l'autorité, et ainsi de suite; et votre réaction contre cet attachement est le détachement. Cette culture du détachement est l'aboutissement de la souffrance, de la douleur. Vous voulez échapper à la douleur de l'attachement, et votre fuite consiste à trouver quelque chose à quoi vous croyez pouvoir vous attacher. Il n'y a donc rien d'autre que l'attachement, et seul un esprit stupide cultive le détachement. Toutes les écritures disent : « Soyez détachés », mais quelle est la vérité en la matière ? Si vous observez votre propre esprit, vous verrez une chose extraordinaire — qu'en cultivant le détachement, votre esprit finit par se trouver un autre objet d'attachement.

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L'ATTACHEMENT EST L'ILLUSION DU MOI

NOUS sommes les choses que nous possédons, nous sommes ce à quoi nous tenons. Il n'y a aucune noblesse dans l'attachement. L'attachement au savoir ne diffère en rien de toute autre forme de dépendance agréable. Dans l'attachement, le moi s'absorbe en lui-même, que ce soit au niveau le plus bas ou le plus élevé. L'attachement est l'illusion du moi, une tentative pour fuir le vide du moi. Les choses auxquelles nous sommes attachés — biens, personnes, idées — deviennent de la plus haute importance, car, privé des multiples choses qui comblent sa vacuité, le moi n'existe pas. La peur de n'être rien incite à posséder, et la peur engendre l'illusion, l'asservissement aux conclusions. Les conclusions, matérielles ou idéologiques, font obstacle à l'épanouissement de l'intelligence, à cette liberté sans laquelle la réalité ne peut pas se faire jour; et sans cette liberté, l'habileté passe pour de l'intelligence. Les voies de l'habileté sont toujours complexes et destructrices. C'est cette habileté, protectrice du moi, qui conduit à l'attachement; et lorsque l'attachement cause la souffrance, c'est cette même habileté qui recherche le détachement et jouit de l'orgueil et de la vanité de la renonciation. La compréhension des voies de l'habileté, des voies de l'ego, est le commencement de l'intelligence.

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AFFRONTEZ LE FAIT, POUR VOIR…

NOUS avons tous fait l'expérience de cette immense solitude, où tout — les livres, la religion, tout — se dérobe, et où nous sommes, au plus profond de nous, immensément seuls et vides. Nous sommes généralement incapables de faire face à ce vide, à cette solitude, et nous les fuyons. La dépendance est l'une des choses dans lesquelles nous trouvons un refuge, bientôt indispensable, parce que nous ne supportons pas d'être seuls face à nous-mêmes. Il nous faut la radio, des livres, des conversations, des bavardages incessants sur ceci ou cela, sur l'art et la culture. Nous en arrivons ainsi à ce point où nous avons la connaissance intime de cet extraordinaire sentiment d'isolement de soi. Nous pouvons avoir un très bon emploi, travailler avec acharnement, écrire des livres, et pourtant cet énorme vide est là, au fond de nous. Nous voulons le combler, et la dépendance est l'un des moyens. La dépendance, les distractions, les bonnes oeuvres, les religions, l'alcool, les femmes sont pour nous autant de moyens parmi tant d'autres de masquer, de combler ce vide. Si nous voyons qu'il est tout à fait futile de vouloir le masquer, si nous en constatons toute la futilité, si — au lieu de nous en tenir à des mots, à des convictions, et donc à des préjugés, à des opinions toutes faites — nous voyons l'absurdité totale de tout cela… alors nous sommes confrontés à un véritable fait. La question n'est pas de savoir comment se délivrer de la dépendance, car, loin d'être un fait, elle n'est que la réaction à un fait… Pourquoi ne pas affronter le fait, pour voir ce qui se passe ?

C'est là que se pose le problème de l'observateur et de la chose observée. L'observateur dit : « Je suis vide; cela ne me plaît pas », et il prend la fuite. L'observateur dit : « Je suis distinct du vide ». Or, l'observateur est le vide, il n'est plus question d'un vide vu par un observateur. L'observateur est la chose observée. Lorsque cet événement se produit, il s'opère dans la pensée, dans la perception, une formidable révolution.

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L'ATTACHEMENT EST UNE FUITE

ESSAYEZ de prendre conscience de votre conditionnement. Vous ne pouvez en avoir qu'une connaissance indirecte, en relation avec quelque chose d'autre. Vous ne pouvez pas avoir de ce conditionnement une conscience abstraite, car ce ne serait que verbal et sans grande signification. Nous n'avons conscience que du conflit. Le conflit existe lorsqu'il n'y a pas intégration entre le défi et la réponse au défi. Ce conflit est le résultat de notre conditionnement. Le conditionnement, c'est l'attachement — à notre travail, à la tradition, à la propriété, aux personnes, aux idées et ainsi de suite. Sans l'attachement, notre conditionnement existerait-il ? Certainement pas. Pourquoi donc sommes-nous attachés ? Je suis attaché à mon pays parce qu'en m'identifiant à lui je deviens quelqu'un. Je m'identifie à mon travail, et ce travail devient important. Je suis ma famille, ma propriété; je leur suis attaché. L'objet d'attachement me permet d'échapper à mon propre vide. L'attachement est une fuite, et c'est la fuite qui renforce le conditionnement.

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ÊTRE SEUL

ÊTRE seul — ce qui n'a rien à voir avec une philosophie de la solitude — c'est de toute évidence être dans une situation révolutionnaire, en opposition avec tout l'édifice social — non seulement celui de notre société, mais des sociétés communistes, fascistes, de tous les types de société en tant que systèmes organisés de violence et de pouvoir. Et cela implique une extraordinaire perception des effets du pouvoir. Vous, par exemple, avez-vous remarqué ces soldats à l'entraînement ? Ils n'ont plus rien d'humain, ce sont des machines, ce sont vos fils, ce sont mes fils, qui sont là, au garde-à-vous, en plein soleil. C'est ainsi que les choses se passent, en Amérique, en Russie et partout — et non seulement au niveau politique, mais aussi au niveau religieux —, on appartient à un monastère, à des ordres, à des groupes qui exercent un pouvoir stupéfiant. Or l'unique esprit capable d'être seul est celui qui n'est pas assujetti. Et la solitude ne se cultive pas. Est-ce que vous voyez bien cela ? Lorsque vous l'avez vu, alors vous êtes voué à l'exclusion, et pas un gouverneur, pas un président ne vous conviera à sa table. Cette solitude est source d'humilité. C'est cette solitude, et non le pouvoir, qui connaît l'amour. L'ambitieux, qu'il soit un homme de religion ou un homme ordinaire, ne saura jamais ce qu'est l'amour. Et si l'on voit bien tout cela, on a alors cette qualité d'existence totale, et donc d'action totale. Tout cela advient grâce à la connaissance de soi.

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LE DÉSIR EST TOUJOURS LE DÉSIR

C'EST pour éviter de souffrir que nous cultivons le détachement. Sachant d'avance que l'attachement aboutit tôt ou tard à la souffrance, nous voulons atteindre au détachement. Certes, il est agréable, mais lorsque la douleur qui lui est liée se fait sensible, nous recherchons une autre forme de gratification, par la voie du détachement. Le détachement est identique à l'attachement, puisqu'il est source de satisfaction. Nous sommes donc en fait en quête de satisfaction : nous brûlons d'être satisfaits, par n'importe quels moyens.

Nous sommes dépendants ou attachés parce que cela nous donne un plaisir, une sécurité, un pouvoir, une sensation de bien-être, même s'ils sont mêlés de souffrance et de peur. C'est aussi par plaisir que nous recherchons le détachement, pour ne pas avoir mal, pour éviter les blessures intérieures. Le but de notre quête est le plaisir, la satisfaction. Nous devons essayer de comprendre ce processus sans rien justifier ni condamner; car si nous ne le comprenons pas, notre confusion et nos contradictions seront sans issue. Le désir peut-il jamais être satisfait, ou n'est-ce qu'un puits sans fond ? Que notre désir s'attache à des choses basses ou nobles, le désir, le brasier du désir est toujours le même, et de ce qu'il consume il ne reste bientôt plus que cendres; mais le désir de gratification demeure, toujours aussi ardent, et continue, sans fin, de tout consumer. L'attachement et le détachement sont un seul et même joug et ils doivent tous deux être transcendés.

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UNE INTENSITÉ LIBRE DE TOUT ATTACHEMENT

DANS l'état de passion spontanée, sans cause, il est une intensité libre de tout attachement; mais dès lors que la passion a une cause, il y a attachement et l'attachement est le commencement de la souffrance. Nous sommes presque tous liés par un attachement; nous nous agrippons à une personne, à un pays, à une croyance, à une idée, et quand l'objet de notre attachement nous est ôté, ou lorsqu'il perd, pour quelque raison que ce soit, de son importance, nous nous retrouvons vides, incomplets. Et ce vide, nous essayons de le combler en nous agrippant à quelque chose d'autre qui devient le nouvel objet de notre passion.


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