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Jiddu Krishnamurti

DERNIER JOURNAL

Traduit de l'anglais par
Marie-Bertrande et Diane Maroger
© Éditions du Rocher, 1993


Ojai, Californie, 11 mars 1983  

C’ÉTAIT une matinée merveilleuse. L’air fraîchissait encore et nous enveloppait. Nous avions perdu le lien à toute chose. Il n’y avait rien ici, rien au-delà.

Oubliez le mot « méditation ». L’usage de ce terme l'a corrompu. Son sens habituel — réfléchir, pénétrer une chose par la pensée — est assez ordinaire et superficiel. Si vous voulez comprendre ce qu’est la méditation, vous devez vraiment oublier ce mot, car les mots ne permettent pas de mesurer ce qui est incommensurable, ce qui dépasse toute mesure. Aucun mot. aucun système de pensée, aucun procédé, aucune pratique ne peut susciter cela. La méditation — s’il existait un terme qui n’ait pas été autant coupé de son sens, vulgarisé et dévoyé, puisqu’on s’en sert même pour gagner beaucoup d’argent : en laissant ce mot de côté, alors vous commencez doucement à ressentir un mouvement qui est hors du temps. Et encore, le mot « mouvement » implique le temps ; ici, on veut parler d’un mouvement qui n’a ni début ni fin. Ce mouvement est comme une houle : des vagues qui se succèdent, ne commencent nulle part et ne vont pas se briser sur une plage. C’est une onde incessante.

Le temps, même ralenti, est assez ennuyeux. Il signifie croissance, évolution, devenir, accomplissement, apprentissage et changement. Ce n’est pas par lui que l’on accède à ce qui existe au-delà du mot « méditation ». Le temps n’a rien à voir avec cela. Il est l’action de la volonté, du désir qui ne peut en aucun cas [Inaudible] ce qui réside bien au-delà de « méditation ». Ici, sur ce rocher, avec ce ciel étonnamment bleu, l’air est si pur, sans pollution. Par-delà la chaîne des montagnes, on voit le désert étendu sur des kilomètres. C’est vraiment une perception intemporelle de ce qui est. On ne peut affirmer l’existence que de cette perception-là. Nous étions assis, en contemplation, et cela sembla durer des jours, des années, des siècles. Comme le soleil s’inclinait vers la mer, nous sommes redescendus dans la vallée où tout était nimbé de lumière, chaque brin d’herbe, chaque buisson, l’eucalyptus majestueux et la terre fleurie. La descente fut longue, comme l’ascension. Mais ce qui n’est pas du temps ne peut se mesurer par les mots. Et la méditation n’est qu’un mot. Les racines du ciel plongent dans le silence profond et immuable.

Krishnamurti To Himself. pp. 18-19
(Traduit en français sous le titre Dernier Journal. pp. 20-2)



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